Au moment de la sortie du DVD de son film La Femme-bourreau, distribué par Luna Park Films, le réalisateur Jean-Denis Bonan nous apprend la suspension provisoire de son compte Facebook après une dénonciation née de la publication de photographies promotionnelles. Une sanction qui s'est accompagnée d'un appel téléphonique anonyme le menaçant.
Rappelons que dès son premier film, le cinéaste engagé est confronté à la censure politique, la Commission de contrôle des films décidant d'interdire totalement son court métrage Tristesse des anthropophages (1966) pour « scatologie et obscénité ». Au printemps 1968, Jean-Denis Bonan débute le tournage de son premier long métrage intitulé La Femme-bourreau qu'aucun distributeur n'accepte alors de diffuser. « Avec La Femme Bourreau, c’est l’ambiguïté que je voulais mettre en scène. J’en revenais à cette volonté de briser les frontières qui étaient aussi celles édifiées entre masculin et féminin. Mais il y avait une autre frontière que je voulais abattre, celle des genres cinématographiques. Je voulais mêler érotisme et polar, expressionnisme et chansonnettes, reportage et sophistication. », explique le réalisateur sur le site du Feu Sacré Éditions. Le film reste à l’état de prémontage, en double bande 16 mm, jusqu'au jour où Francis Lecomte de Luna Park Films, qui a restauré et numérisé les deux principaux films de Jean-Denis Bonan, décide enfin de les distribuer en salles. La Femme-Bourreau sera présenté au LUFF en octobre 2014, et projeté à Paris au cinéma L'Entrepôt.
Amer, le cinéaste explique : « De 1962 jusqu'en 1977, j'ai réalisé des films dans le plus grand dénuement. Sans un centime, armés de bouts de ficelle, on tournait. J'étais comme quelqu'un qui a envie de chanter et qui chante coûte que coûte. Ainsi, les contraintes (à part celles de l'argent) sont nulles, la liberté est lumineuse et... en bout de course, on obtient des films qui n'ont pas grand chose à voir avec ceux réalisés au sein du système. Dans ces conditions, on fait des films singuliers qui ne possèdent pas les critères "normaux" pour être distribués. La malédiction qui a pesé sur ces films est une sorte de censure contre ce qui se trame dans la marge. »
Aujourd'hui, un corbeau s'en est pris au cinéaste en tentant de limiter la visibilité de la sortie de certaines de ses œuvres.
Premier opus d'une collection DVD consacrée à des raretés (et inédits) du cinéma français des années soixante, La Femme-bourreau (Les films maudits de Jean-Denis Bonan) regroupera également sur le même support les courts métrages Une Saison chez les hommes (1967) et Tristesse des anthropophages, accompagnés de nombreux suppléments. Disponible dans les bacs à compter du 18 novembre 2015.