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CENSURE & CINEMA

CENSURE & CINEMA

Collection Darkness, censure et cinéma


52 ans après son interdiction totale, le film de Rivette Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot devrait être autorisé pour tous publics

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 31 Août 2018, 18:38pm

Catégories : #censure, #cinéma, #interdiction, #La Religieuse, #Suzanne Simonin, #Rivette, #tous publics

52 années après avoir été interdit d'exploitation totale en France, interdit d'exportation, ensuite interdit aux mineurs puis aux moins de 16 ans, La Religieuse (Jacques Rivette, 1966) - titre qui est devenu Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot pour son exploitation en salles - devrait vraisemblablement ressortir dans une version restaurée 4K le 19 septembre 2018 au cinéma autorisé pour tous publics. Telle est la proposition qui devrait être formulée - on l'espère - par la commission de classification des œuvres cinématographiques à la ministre de la Culture après l'avis du comité de classification du 31 août 2018 adressé à son président.

Retour sur une incroyable histoire

(extrait du troisième volume Politique & Religion publié chez LettMotif)

 

En 1966, Yvon Bourges, secrétaire d’État à l'Information du Général de Gaulle, doit céder aux pressions des autorités catholiques. Le 23 mars 1966, après avoir assisté à la projection du film de Jacques Rivette, La Religieuse – qui deviendra Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot – la commission de contrôle des films cinématographiques, représentée par son président Henry de Ségogne, décide d'adresser une lettre à Yvon Bourges : « Se référant aux critères habituels qui inspirent ses décisions, la Commission n'a pas cru devoir proposer l'interdiction totale du film, mais seulement son interdiction aux mineurs de 18 ans.1 »

Le 28 mars, en application de l'article 5 deuxième alinéa du décret du 18 janvier 1961, le secrétaire d’État à l'Information demande un nouvel examen du film controversé. Le lendemain, après avoir organisé une nouvelle projection devant ses membres, la Commission de contrôle décide de maintenir sa proposition en l'assortissant d'un simple refus du visa d'exportation vers les pays d'Afrique et de Madagascar, de la Syrie, du Liban et des trois pays d'Indochine. Sous les pressions et les pétitions, Yvon Bourges passe outre l'avis qui lui est présenté et décide l'interdiction totale d'exploitation et d'exportation du film de Jacques Rivette le 1er avril 1966, en raison « du comportement de quelques personnages comme certaines situations, ainsi que de l'audience et la portée spécifique de l'ouvrage commercial, à heurter gravement les sentiments et les consciences d'une très large partie des spectateurs »2.

Il faut attendre la fin de dix années de procédure pour que le Conseil d’État rejette, dans un arrêt d'assemblée du 24 janvier 19753, la requête du ministre de l'Information formée contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 mars 1967 annulant la décision ministérielle d'interdiction, considérant que l'atteinte portée aux libertés publiques n'était pas justifiée par le dommage susceptible d'être causé à l'intérêt général.

Pour la première fois, le juge administratif consacre la liberté du cinéma en exerçant un contrôle de légalité sur la décision du ministre.

 

1  La première décision est prise par la Commission par 23 voix contre 14 in Garreau Laurent, « La Religieuse de Rivette », Darkness Fanzine n° 13, Sin'Art, 2012, p. 74.

2  Le Figaro du 2 avr. 1966.

3  Cons. d’État, Ass., Société Rome-Paris-Films, 24 janv. 1975, n° 72 868, Rec. Lebon, p. 57.

 
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