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CENSURE & CINEMA

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Collection Darkness, censure et cinéma


La MPAA célèbre les 50 ans du système de classification des films aux Etats-Unis

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 30 Octobre 2018, 08:45am

Catégories : #censure, #mpaa, #1968, #anniversaire, #interdiction, #cara, #Etats-Unis, #cotation

 

Aux États-Unis, le contrôle cinématographique est organisé par la Motion Picture Association of America (MPAA), une association interprofessionnelle chargée de défendre les intérêts du cinéma américain à travers le monde, à laquelle les plus grands studios hollywoodiens ont choisi de souscrire. La MPAA a pour mission d'organiser et uniformiser la classification des films avant leur sortie en salles aux États-Unis.

 

A la mort d'Eric Johnston en 1964, la MPAA cherche un président et de nouvelles règles plus conformes aux modes de vie de la population. Jack Valenti, ancien conseiller du Président Johnson, en prend la tête en juin 1966. Il accompagne la promulgation d'un nouveau code le 20 septembre 1966, plus souple que le précédent mais toujours construit sur la base de critères d'appréciation subjectifs et rigoureux.

 

En 1968, pendant cinq mois, les neuf grands studios membres de la MPAA, les représentants de l'association des exploitants de salles, le comité des distributeurs et importateurs de films ainsi qu'une assemblée de producteurs et de distributeurs indépendants élaborent un nouveau système d'autorégulation. Les associations religieuses et les syndicats sont également conviés aux discussions. Le 7 novembre 1968, Jack Valenti annonce l'adoption du Rating, un système de cotation conciliant les libertés constitutionnelles avec la protection des mineurs. La Production Code Administration (PCA) est transformée en Classification and Rating Administration (CARA) et quatre catégories sont créées le 1er novembre 1968 : G pour les films visibles par tous, M pour ceux réservés à un public averti, R pour les œuvres interdites aux spectateurs de moins de 16 ans non accompagnés, et X pour les films strictement interdits aux mineurs de 16 ans. A l'origine, la classification X est imposée par les exploitants de salles aux studios pour éviter d'éventuelles décisions d'interdiction par des juridictions locales.

 

Dans la pratique, la classification G est attribuée aux dessins animés et films pour les jeunes enfants. En 1969, le M devient GP puis PG en 1972. La classification R interdit la projection d'un film aux mineurs de 16 ans non accompagnés en 1968. La limite d'âge est portée à 17 ans en 1970. Une catégorie intermédiaire, PG-13 est créée en 1984 pour les films déconseillés aux moins de 13 ans. La limite d'âge de la catégorie X est portée à 18 ans en 1970 puis abaissée à 17 ans en 1972. Aucun brevet n'ayant été déposé par la MPAA sur la lettre X, l'industrie du porno s'en empare pour en faire un label et attirer le spectateur en lui promettant des images strictement interdites aux mineurs. En 1990, les controverses liées aux classements X de Tie me Up! Tie me Up! (Attache-moi) de Pedro Almodovar, Henry, Portrait of a Serial Killer de John McNaughton, et Henry and June de Philip Kaufman, conduisent Jack Valenti à remplacer le X infamant et discriminatoire aux yeux du public, des producteurs, des distributeurs et des exploitants de salles, par un classement NC-17 aux effets identiques mais protégé par un copyright.

 

Depuis 1968, les actes de censure ne sont plus imposés mais laissés à l'appréciation des studios ou du réalisateur lorsqu'il dispose du final cut. Par exemple, Paul Verhoeven explique que la MPAA lui a demandé d'adoucir certaines séquences pour éviter le classement X de Total Recall en 1990, dont celle durant laquelle une naine tue un soldat à coups de couteau. Les décisions de la CARA ne sont pas définitives et peuvent évoluer jusqu'à la date de sortie du film en salles, en fonction de la version qui lui est présentée. En cas de désaccord persistant, le réalisateur peut faire appel de la décision de classification devant la commission des recours (Rating Appeals Board) constituée de représentants de l'industrie du cinéma, de la vidéo et des exploitants de salles.

 

Si le nouveau système de cotation ne s'impose qu'aux membres de la MPAA, la possibilité de sortir un film non classé, distribué en salles hors des circuits traditionnels, reste toujours possible. En réalité, les exploitants de salles, majoritairement membres de la National American Theater Organization (NATO) elle-même membre de la MPAA, respectent les décisions de la CARA. De leur côté, les indépendants hésitent à s'affranchir d'un système de cotation qui finalement leur permet de vendre leurs produits aux chaînes de la télévision et du câble qui ne diffusent bien souvent que des œuvres classées.

 

La classification des films est opérée par une structure permanente (Board) composée de huit à treize évaluateurs, tous parents d'enfants âgés de 5 à 17 ans, qui travaillent à temps plein pour la CARA. Ils n'ont aucun lien avec l'industrie cinématographique et la plupart conserve l'anonymat pour éviter d'éventuelles pressions. La gestion du Bureau de classification (Rating Board) est réalisée par des évaluateurs chevronnés qui contrôlent l'ensemble du processus. Leur identité est rendue publique pour faciliter les échanges, tant avec les professionnels qu'avec les spectateurs.

 

Après avoir visionné chaque film, les membres du Bureau se réunissent, discutent puis votent pour décider du niveau de classification approprié. Après un vote à la majorité, la décision est notifiée au réalisateur qui reste libre de proposer une nouvelle version de son œuvre pour obtenir une classification moins restrictive. Si le désaccord persiste, le réalisateur peut faire appel devant la commission des recours dont la mission principale consiste d'abord à assurer la cohérence et la crédibilité du dispositif d'autorégulation professionnelle. Dans ce cas, le film est projeté à la Commission puis un débat est organisé avec le réalisateur et les membres du Bureau. Une majorité des deux tiers est requise pour annuler la décision initiale. Chaque année, le Bureau classe entre 800 et 900 films. Moins d'une douzaine de décisions sont contestées et seulement un tiers fait l'objet d'une annulation. L'autocensure devient donc désormais la règle, conditionnée par l'actualité mais aussi par les relations commerciales internationales.

 

[extrait de « Censorship in America » in Politique & Religion, Collec. Darkness, censure et cinéma, LettMotif, 2018, pp. 262-268.]

 

A l'occasion du 50e anniversaire du système actuel de cotation des films mis en place aux États-Unis le 1er novembre 1968, la MPAA met en ligne gratuitement un rapport de 46 pages intitulé "G" is for Golden: The MPAA Film Ratings at 50. L'histoire de la classification des films y est racontée avec de nombreux détails qui vous permettront de mieux comprendre certaines des décisions prises outre-Atlantique.

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