On apprend qu’à partir du 8 janvier 2020, des pictogrammes relatifs à l'âge et au contenu accompagneront chaque film projeté en Belgique. Cette nouvelle classification, sous forme de recommandations plutôt que d'interdictions, va remplacer une réglementation centenaire, dont nous vous parlions sur ce blog en septembre 2013.
En septembre 1920, la loi Vandervelde, du nom du ministre socialiste de la Justice de l'époque, impose pour la première fois des règles instituant le contrôle des films dans tout le Royaume. Bien qu'en théorie l'industrie cinématographique ne soit pas obligée de soumettre sa production à la Commission, en vertu du principe constitutionnel de liberté de la presse, l'importance commerciale du public familial est telle que les distributeurs se plient en réalité aux décisions de la Commission. La classification des films est donc fondée en Belgique sur une loi prévoyant une interdiction générale de l’accès des cinémas aux mineurs, sauf exception pour les films dont une Commission estime qu’ils peuvent être vus par les jeunes de moins de 16 ans. Créée en novembre 1920 avec à sa tête un juge pour enfants, la Commission débute véritablement ses activités un an plus tard. Elle formule depuis cette date deux types d'avis : « Enfants Admis » (EA) jusqu'à l'âge de 15 ans et « Enfants Non Admis » (ENA).
Une circulaire du ministre de la Justice du 19 avril 1921 précise les critères de contrôle, en ciblant plus particulièrement la violence, l'érotisme et l'horreur, lui interdisant de s'occuper de philosophie, de politique et de religion. En 1951, une nouvelle directive actualise et durcit fortement les critères de classification. Jusqu'en 1989, la Commission de contrôle des films dépend du ministère de la Justice. Considérant qu’une telle compétence relevait de la protection de la jeunesse, matière communautarisée, les Communautés ont conclu un accord de coopération portant création, composition et règlement de fonctionnement d'une Commission inter-communautaire de contrôle des films en décembre 1989. Quinze ans plus tard, dans un arrêt du 18 novembre 2004, le Conseil d’État annule cet accord estimant que le contrôle cinématographique relève de l’autorité fédérale et non des Communautés. Dès lors, à défaut d’autorité compétente, l’interdiction générale prévue par la loi s’applique, et tout jeune de moins de 16 ans est en principe interdit d’entrée dans une salle de cinéma en Belgique. Par ailleurs, toute décision de la Commission inter-communautaire de contrôle des films attribuant le visa « Enfants Admis » à un film peut désormais être attaquée devant le Conseil d’État avec l’assurance d’en obtenir l’annulation. Suite à cet arrêt, un arrêté royal du 27 avril 2007 a institué une nouvelle Commission de contrôle des films, placée sous la compétence de l’État fédéral, laquelle applique aujourd'hui encore et jusqu'au 8 janvier 2020, la loi Vandervelde de 1920.
Dans un article mis en ligne le 16 décembre 2016 sur lameuse.be, Christian Carpentier nous apprenait que le Royaume devait faire évoluer ses règles de classification en dupliquant un dispositif étonnant mis en place aux Pays-Bas.
Si au départ, il avait été question de calquer le modèle sur celui utilisé à la télévision, la Belgique avait finalement opté pour dupliquer la classification hollandaise baptisée kijkwijzer : « Dans ce système, le distributeur répond à un certain nombre de questions relatives aux scènes présentes dans son film », expliquait il y a trois ans la ministre francophone de la Culture Alda Greoli : « Ces réponses sont encodées dans un logiciel qui le classifie ensuite de manière automatique en 5 catégories d’âges et en 6 pictogrammes » sur le contenu : « tous publics », « dangereux pour les moins de 6 ans », « dangereux pour les moins de 9 ans », « dangereux pour les moins de 12 ans », et « dangereux pour les moins de 16 ans ». A côté de la création infamante de « films dangereux pour la jeunesse », 6 pictogrammes semblables à ceux qui existent en matière de jeux vidéos, doivent en préciser le contenu : langage grossier, discrimination, drogue et/ou abus d’alcool, anxiété, sexe, violence. Une nouvelle commission fédérale devait être créée pour examiner les recours formés contre le niveau de classification d'un film décidé par le logiciel.
Avec le nouveau dispositif qui sera mis en place au début de l'année prochaine, les trois communautés linguistiques du pays semblent vouloir privilégier le dialogue entre parents et enfants ainsi que sur l'éducation aux médias. À la place du dispositif de classification actuel, le système dénommé Cinecheck annoncé en 2016 va finalement décliner sept catégories d'âge (tous publics, 6, 9, 12, 14, 16 et 18 ans) et six pictogrammes pour informer le spectateur sur la violence, l'angoisse, le sexe, la discrimination, l'abus de drogues ou d'alcool ou encore le langage grossier que peut contenir une œuvre cinématographique.
Les distributeurs vont ainsi devoir remplir un questionnaire concernant le contenu des œuvres, ce qui permettra ensuite au logiciel d'attribuer automatiquement une catégorie d'âge et, éventuellement, une ou plusieurs catégories de contenu (maximum trois pour garantir la lisibilité de cette information) afin de guider les parents, mais aussi les plus jeunes, dans le choix d'un film en fonction de l'âge et de la sensibilité de chacun.
En Belgique, ce nouveau processus de classification ne concernera que les films distribués dans les salles de cinéma, à l'exception des projections réalisées dans le cadre de festivals. Une campagne de communication, déclinée dans les cinémas et sur les réseaux sociaux sous formes d'affiches, de spots ou dans les bandes-annonces, devrait permettre au grand public de se familiariser avec le nouveau dispositif au cours des prochaines semaines.