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On apprend que les parents d’une jeune fille de 13 ans ont assigné l’État devant le tribunal administratif de Lyon après que le professeur d’un collège ait diffusé à sa classe The Ring (Gore Verbinski, 2003), le remake du film japonais réalisé par Hideo Nakata en 1998.
Ils réclament la somme de 11 342 euros au ministère de l’Éducation nationale en réparation du préjudice subi, un certificat médical établissant que depuis la séance organisée au mois d’avril dernier, leur enfant est dans un « état de stress post-traumatique », lequel a nécessité la mise en place d’un suivi médical et psychologique. En outre, selon Maître Thomas Bénagès, leur avocat, la jeune élève qui souffre toujours de crises de panique récurrentes et qui ne peut plus regarder la télé seule, a dû être déscolarisée.
Il est reproché à l'enseignant « d’avoir proposé à ses élèves un film d'horreur déconseillé aux moins de 16 ans à la télévision », ce qui ne correspond pas à la réalité juridique. En effet, The Ring a été interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en salles par le ministre de la Culture, une décision (prise via l'attribution d'un visa d'exploitation) qui a une valeur réglementaire contrairement à la restriction décidée par une chaîne de télévision.
S'il a admis ne pas partager « le parti-pris pédagogique » de l'enseignant, le rapporteur public – chargé de représenter le ministre de l’Éducation nationale – a cependant noté que les élèves ont été invités à étudier « la construction de la peur dans un film » et à prendre du recul après la séance, une démarche qui lui semble correspondre aux impératifs pédagogiques liés à l'étude du genre fantastique.
Rappelons qu’inspiré par une légende urbaine, le film raconte l'enquête autour d'une étrange vidéocassette qui provoquerait la mort de ceux qui l'ont visionnée.
Le 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d’indemnisation pour les raisons suivantes :
« Le tribunal rappelle que l’État ne peut être reconnu responsable que s’il a méconnu une obligation juridique qui s’imposait à lui dans l’organisation ou le fonctionnement du service public de l’éducation nationale. En l’espèce, il estime qu’aucune des fautes invoquées ne peut être retenue.
Tout d’abord, il précise, contrairement à ce que soutiennent les parents, que le film a reçu un visa d’exploitation n’excluant sa diffusion que pour des mineurs de moins de 12 ans, et non de 16 ans. Tous les élèves de la classe ayant alors au moins 13 ans, le tribunal a estimé que la diffusion de ce film n’était donc pas irrégulière en raison de leur âge.
Le tribunal constate ensuite que la diffusion du film a été réalisée dans le cadre des programmes prévoyant l’étude du thème du fantastique, et s’est accompagnée d’un travail d’analyse et de réflexion sur cette thématique ainsi que sur cette œuvre. Ainsi, au regard de la nature de l’œuvre, ce choix n’était pas en lui-même irrégulier. Si le tribunal reconnaît que certaines scènes du film peuvent être impressionnantes, il relève que les conditions de sa diffusion correspondaient par ailleurs à un travail pédagogique accompagné, qui visait à donner aux élèves les clefs de compréhension de ce type de récit et à leur permettre de prendre le recul nécessaire. Il a par suite considéré que le choix de l’œuvre et ses modalités de présentation aux élèves ne sont pas illégaux.
Le tribunal ajoute enfin que l’enseignant et l’établissement n’avaient pas été avertis des possibles répercussions du visionnage de l’œuvre sur l’enfant qui aurait présenté une fragilité psychologique antérieure. En conséquence, il retient qu’ils n’ont donc pas méconnu une obligation particulière de précaution qui se serait imposée à eux s’ils avaient été avertis d’une sensibilité particulière de l’enfant.
Sans se prononcer sur l’opportunité de ce choix pédagogique, le tribunal a dès lors jugé qu’aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’État n’était caractérisée et rejette la requête. »