On apprend que l'Académie ukrainienne du cinéma (УКРАЇНСЬКА КІНОАКАДЕМІЯ) appelle à un boycott international du cinéma russe et de l'industrie cinématographique russe après l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022. Dans une pétition en ligne (Call for a boycott of Russian cinema) qui a ce jour a recueilli moins de 1 500 signatures, l'Académie a appelé les producteurs à cesser d'accorder des licences à leurs films et séries pour la Russie, les festivals internationaux à ne pas sélectionner les films russes de leurs programmations et les producteurs internationaux à mettre fin à toute relation commerciale avec des entreprises russes.
Dans son communiqué, l’Académie a également indiqué que si les gouvernements du monde entier ont unanimement condamné l'invasion russe et décidé de sanctions pour punir le président Vladimir Poutine et son gouvernement, le pays continuait toujours à bénéficier d’une activité culturelle normale malgré certaines exclusions sportives (football) ou médiatiques (Eurovision).
« Plusieurs films réalisés par la Russie sont régulièrement admis aux programmes de la plupart des festivals de cinéma mondiaux, et des ressources importantes sont consacrées à leur promotion », observe la pétition. « Le résultat de cette activité n'est pas seulement la diffusion de messages de propagande et de faits déformés. Cela renforce aussi la promotion de la culture russe - la culture de l'État agresseur, qui a déclenché une guerre injustifiée et non provoquée en Europe centrale. »
L'Académie ukrainienne du cinéma appelle les producteurs et les titulaires de licence, y compris les studios hollywoodiens, à « mettre fin à toute activité avec des entités commerciales de la Fédération de Russie et à ne transférer les droits de propriété intellectuelle d'aucun film sur le territoire de la Fédération de Russie. […] Nous vous exhortons à résilier tous les contrats avec eux. N'oubliez pas que l'entreprise qui utilisera vos films paie des impôts au budget russe, qui finance l'armée qui a violé les frontières d'un État indépendant et achète des missiles pour bombarder la population civile d'Europe. »
Le communiqué demande également au Conseil de l'Europe d'expulser la Russie de l'organisme paneuropéen de financement du cinéma Eurimages, de la Convention européenne sur la coproduction cinématographique et de la Fédération internationale des associations de producteurs de films de retirer au Festival international du film de Moscou son accréditation.
Ce n’est pas la première fois que les pouvoirs publics en Ukraine réagissent face à la Russie. On se souvient que le Parlement ukrainien a voté une loi le 5 février 2015 interdisant la diffusion des films russes produits depuis 1991, et celle des séries télévisées russes réalisées après le 1er janvier 2014, lorsqu'ils promeuvent les forces de sécurité de la Fédération de Russie.
Ainsi, la Commission ukrainienne de classification des films placée auprès de l'Agence d'État pour le cinéma, avait-elle décidé d'interdire le film allemand Tschiller: Off Duty (Christian Alvart, 2016), produit par Warner Bros, à cause d'un personnage donnant « une image positive » des services secrets russes. Une atteinte à la libre circulation de l'information dénoncée au mois d'avril 2015 par Dunja Mijatovic, la représentante de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en charge de la liberté des médias : « Même en état de guerre, les pays démocratiques doivent traiter avec précaution les matériaux à problèmes, en faisant notamment appel à des mécanismes judiciaires appropriés afin d'éviter des démarches excessives et des mesures s’apparentant à la censure. »
Si l’on comprend la position de la communauté ukrainienne du cinéma à l’endroit de la Russie, il convient de préciser que tous les films russes ne sont pas des films de propagande. Un certain nombre de cinéastes russes en effet, se battent presque quotidiennement contre les autorités de leur pays pour faire des films indépendants, des films qui parfois n’épargnent pas le pouvoir en place. Citons par exemple Kirill Serebrennikov, arrêté puis placé en détention en août 2017 pour « fraude fiscale » alors qu'il tourne Leto.
D’autres développements seront proposés dans le prochain volume de notre collection, Censure & cinémas d’Orient, à paraître dans les prochaines semaines.