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On apprend la projection publique de De quelques événements sans signification, organisée en présence de Mostafa Derkaoui, son réalisateur, le 15 mars au Théâtre 121 de l’Institut français de Casablanca au Maroc. Mi-fiction mi-documentaire, le film retrace l’histoire d’une équipe de cinéastes en quête d’un thème à traiter. Ils parcourent les rues de Casablanca et interrogent des jeunes sur leurs attentes et leurs rapports au cinéma marocain. Ils décident de s’intéresser à un fait divers qui survient pendant le tournage. Le crime commis par un docker du port, qui tue involontairement son chef, sert alors de prétexte pour questionner le but du cinéma marocain et aborder les problématiques sociales de l’époque, notamment le chômage.
« J’ai été convoqué au Centre cinématographique marocain (CCM) par la commission du contrôle à une séance au cours de laquelle fut annoncée l’interdiction du film. Un des membres [...] me précisa que je devais me réjouir que mon film ne soit pas censuré mais interdit, ajoutant sur le ton de la confidence : ‘On ne vous coupe pas la parole, on vous interdit de dire des énormités. Un jour viendra où vous nous remercierez pour cette décision’ », se souvient Mostafa Derkaoui.
« J’ai porté les négatifs du film d’aéroport en aéroport […]. J’ai pu rapatrier les négatifs lorsque Me Abdelhamid Dziri, un cinéphile, me donna l’argent pour payer le laboratoire au Royaume du Maroc », poursuit le réalisateur. « Le premier tirage de 16 mm en couleurs fut effectué dans [un] laboratoire équipé également de deux salles de montages. [...] C’est encore une fois Me Dziri qui m’aida à obtenir une copie 35 mm effectué à Barcelone ». « J’ai pris cette copie sous le bras et je me suis rendu à Paris où De quelques événements sans signification a bénéficié d’une première mondiale au Festival de cinéma de Paris [en 1975]. La projection s’est déroulée dans la salle du palais de Chaillot, entre celle de La Soif du mal d’Orson Welles et Vol au-dessus d’un nid de coucous de Milos Forman. » C’est l’unique fois où ce film a été projeté à l’époque avant d’être interdit d’exploitation par le CCM, au Maroc et à l’étranger, une restriction appliquée jusque dans les années 1990.
En 2016, un travail de restauration est supervisé par la chercheuse Léa Morin, avec le soutien de l’Observatoire, le Musée Collectif de Casablanca, la Filmoteca de Catalunya, Arab Fund for Art and Culture (AFAC), Solitude Schloss Akademie et Kibrit. Cette initiative fait suite à la découverte des négatifs originaux, réputés perdus, dans une cinémathèque européenne (Filmoteca de Catalunya) qui les avaient récupérés après faillite du laboratoire en charge du développement dans les années 1970. Il sera par la suite programmé durant la 69e édition de la prestigieuse Berlinale en février 2019.
C’est la quatrième fois au Maroc et la seconde à Casablanca, que le réalisateur âgé de 77 ans présente son film tourné et interdit en 1974.