Après l’annulation de la présentation à la presse de la série Rebelles, un combat pour l’unité (Thian Thiandoum, 2022) décidée par la direction de l’hôtel Novotel « sur instruction du préfet de Dakar », on apprend la déprogrammation de sa diffusion sur la chaîne YouTube de la société de production initialement prévue le 21 septembre 2022.
Dans un communiqué mis en ligne la veille, Serigne Massamba Ndour, le directeur général de Marodi Africa, indique avoir reçu le 8 septembre, une mise en demeure exigeant l’arrêt du tournage et la suppression de la bande-annonce. Pour la production, « cette décision de l’autorité sénégalaise condamne au chômage technique les équipes de tournage qui travaillent d’arrache-pied depuis plus d’une année sur le projet », ajoutant que « la bande annonce, qui a déjà été visionnée par le public et des centaines de milliers d’abonnés, n’a provoqué aucun trouble à l’instar de ses dix-huit productions précédentes ».
Une décision incompréhensible pour le producteur, même s’il reconnaît que les thèmes abordés sont audacieux : « C’est seulement une fiction, donc on s’est dit qu’on avait le droit de traiter un sujet sur la Casamance qui mérite d’être mis en lumière. On sait que c’est une question taboue. Mais aujourd’hui, on est assez responsables pour traiter cette question. Nous, ils devaient nous encadrer, pas nous censurer. Nous jugeons que c’est un abus de pouvoir. »
Après avoir rappelé, dans son communiqué, les difficultés rencontrées pour obtenir les autorisations de tournage de la direction de la cinématographie, Marodi Africa invite « l’État sénégalais à reconsidérer sa décision », expliquant qu'elle « constitue un dangereux précédent de censure, ainsi qu’une grave atteinte à la liberté d’expression, consacrée par les articles 8 et 10 de la Constitution sénégalaise ».
Dans un communiqué publié le 21 septembre, la direction de la cinématographie précise :
« Monsieur le directeur général de la société de production Marodi S.A, a saisi, par mail du 17 mars 2022, la direction de la cinématographie, pour solliciter une autorisation de tournage pour son projet de série intitulée Rebelles. Le dossier joint à cette fin était incomplet du point de vue de la réglementation. Le 25 avril 2022, suite à notre saisine, l’intéressé nous a fait parvenir un résumé des sept premiers épisodes sur quarante-cinq et un teaser. En l’état, le dossier demeure toujours incomplet. Devant cette situation et dans notre mission d’accompagnement des producteurs, le directeur général a été reçu en séance de travail les 17 mai et 22 juin 2022. A l’issue de ces différentes rencontres et d’exploitation des documents fournis (pour rappel incomplets), il lui a été indiqué les sérieuses réserves par rapport à la réalisation d’une telle série dans le contexte actuel du dossier de la crise casamançaise et des effets qu’une telle série pourrait avoir auprès de l’opinion publique. Par la suite, une audience lui a été accordée le 2 août 2022, en présence de sa chargée de communication, du responsable de la chaîne et du réalisateur et une autre, le 9 septembre 2022, en présence de l’autorité ministérielle, toujours dans le but de trouver une issue heureuse à cette situation et d’accompagner l’intéressé. Malgré tout, il a été, constamment, relevé un manque de collaboration, frisant même la défiance puisque l’intéressé a continué à faire des tournages, sans autorisation, et à diffuser la bande-annonce de la sortie de la série. C’est fort de ces constats factuels et des manquements à la réglementation qu’il lui a été, successivement, notifié le refus de l’autorisation de tournage et la mise en demeure de retirer la bande-annonce et d’arrêter les tournages, conformément aux dispositions de loi n° 2002-18 du 15 avril 2002 portant règles d’organisation des activités de production, d’exploitation et de promotion cinématographiques et audiovisuelles et du décret n° 2004-735 du 21 juin 2004 fixant les conditions de délivrance d’autorisation de tournage professionnel de films au Sénégal. Pour finir, la direction de la cinématographie rappelle son attachement aux valeurs républicaines qui fondent notre vivre-ensemble et sa disponibilité constante à accompagner les acteurs pour un rayonnement de notre industrie cinématographique. C’est dans ce sens, d’ailleurs, qu’à sa création, Marodi S.A a bénéficié d’un soutien conséquent du FOPICA pour sa structuration, ce qui a contribué à en faire un acteur majeur de l’industrie cinématographique nationale. »
La série controversée raconte l’histoire de Moïse Adjodjena Badji, un jeune politicien promu au poste de chef de cabinet du Président de la République à la faveur d’un remaniement ministériel, lequel va très vite se faire de nombreux ennemis pour se retrouver au cœur d’un vaste complot visant à déstabiliser la Casamance, une région qui oppose, depuis 1982, les autorités du Sénégal aux rebelles indépendantistes.