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CENSURE & CINEMA

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Collection Darkness, censure et cinéma


"La Vie Adèle" échappe à l'interdiction aux -16 ans grâce à des scènes de sexe "réalistes"

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 25 Août 2013, 09:07am

Alors que l'interdiction aux moins de 16 ans du film Clip (2012), décidée en France au mois de mars 2013, laissait présager une restriction du même ordre pour La Vie d'Adèle, le ministre de la Culture a finalement choisi de suivre l'avis de la commission de classification des œuvres cinématographiques du 9 septembre 2013 en autorisant sa projection aux mineurs de 12 ans avec un simple avertissement indiquant aux spectateurs que "plusieurs scènes de sexe réalistes sont de nature à choquer un jeune public".

Si pour Clip, la Commission avait tenu à expliquer que le contenu du film de Mija Milos décrivant "l’itinéraire désespéré d’une adolescente dans la Serbie d’aujourd’hui, dont les pratiques de sexe, de drogue et d’alcool montrées de manière crue et parfois explicite", justifiait une interdiction aux mineurs de 16 ans assortie d'un avertissement, il semble que l'appréciation portée sur le film d'Abdellatif Kechiche diffère en raison de scènes de sexe jugées "réalistes". Une qualification originale les distinguant de scènes de sexe "non simulées" ou encore de scènes de sexe "explicites" justifiant habituellement une interdiction aux -16 ans ou aux -18 ans.

Une décision plutôt clémente alors que Julie Maroh, la dessinatrice de la BD «Le bleu est une couleur chaude» qui a directement inspiré le film, dénonçait elle-même le 28 mai 2013 la dureté des scènes de "sexe explicite" entre les deux actrices sur le site de Libération et que les États-Unis viennent tout juste d'interdire Blue is the Warmest Color - le titre anglais du film de Kechiche - aux mineurs de 17 ans (NC-17) pour son contenu sexuel explicite (Rated NC-17 for explicit sexual content). La Commission de classification française aurait-elle eu la même légèreté si La Vie d'Adèle n'avait pas reçu la Palme d'or au Festival international du film de Cannes en mai 2013 ?

Le site IMDb a publié l'appréciation d'un spectateur décrivant les 12 minutes de scènes de sexe lesbien entre les deux lycéennes, expliquant longuement que les plans litigieux suggèrent bien plus qu'ils ne montrent véritablement. La multiplication des plans éloignés des corps nus enlacés et l'absence de gros plans d'organes génitaux conduisent même le rédacteur à écrire que la diffusion du film ne doit pas être interdite aux plus de 15 ans, tout en laissant entendre que la classification américaine ne mérite pas d'être commentée... Cette dernière observation a été supprimée par le modérateur du site américain le 22 août 2013.

En résumé, l'interdiction de La Vie d'Adèle aux mineurs de 12 ans nous amène à constater que la Commission a créée la catégorie des films contenant des scènes de sexe "réalistes" motivant une interdiction aux moins de 12 ans au contraire des œuvres contenant de brèves scènes de sexe "non simulées" ou "explicites" (interdites aux -16 ans), des films "comportant des scènes de sexe non simulées mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité, ne justifient pas une inscription sur la liste des films à caractère pornographique" (interdits aux -18 ans) ou encore des films "comportant de nombreuses scènes de sexe explicites et non simulées, tenant une place importante sur la durée totale du film et dont la manière dont elles sont filmées établissent que le sujet de l’oeuvre et l'intention de l'auteur n'ont d'autres fins que d'exposer et d'exploiter des scènes à caractère sexuel" (classés pornographiques et interdits aux -18 ans).

Enfin, le film d'Abdellatif Kechiche pose également un problème juridique puisqu’en mêlant le personnage d'une lycéenne mineure à des scènes de sexe, La Vie d'Adèle contrevient à l’article 227-23 du code pénal qui punit "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique", qu’elle soit montrée directement ou simplement suggérée, réelle ou imaginaire. En droit, le fait qu'une actrice interprète le rôle d'une adolescente ayant des relations sexuelles avec une femme majeure, peut théoriquement être sanctionné par les tribunaux sauf si l'actrice était majeure au moment du tournage des séquences concernées. Adèle Exarchopoulos étant née le 22 novembre 1994, d'éventuelles poursuites pourraient donc dépendre du fait de savoir si "la fixation" des scènes litigieuses est intervenue avant ou après le 22 novembre 2012, date de sa majorité... Le cas échéant, le fait que ces scènes soient plus "réalistes" qu'explicites changera-t-il l'appréciation du juge s'il était saisi ? Pas si sûr quand on sait qu'un manga a été sanctionné par la Cour de cassation en 2007 pour un motif similaire...

Une affaire vraisemblablement à suivre avec la sortie du film programmée sur les écrans français le 9 octobre 2013.

 

PS : Observons que pour la classification du film Jeune et Jolie, de François Ozon, proposée en juin 2013, la Commission justifiait une interdiction aux -12 ans par la présence de scènes de sexe "édulcorées".

PS 2 : Le film a été interdit aux mineurs au Royaume-Uni le 11 septembre 2013.

PS 3 : La Vie d'Adèle risque d'être interdit en Russie pour incitation à l'homosexualité.

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