La fin de l'année est l'occasion de revenir sur les principales affaires de censure ayant touché le cinéma à travers le monde. Une fois encore, force est de constater que le sexe, la religion, la politique et la violence sont toujours au cœur des préoccupations des censeurs.
Le sexe
En janvier 2014, estimant que le film Nymphomaniac, volume 1 (L. von Trier) doit être interdit aux spectateurs de -16 ans, le président du tribunal administratif de Paris annule l'interdiction aux -12 ans décidée par le ministre de la Culture. Quelques jours plus tard, le même juge estime que Nymphomaniac, volume 2 (L. von Trier) aurait dû être interdit à tous les mineurs en raison de scènes à caractère sadomasochiste, de fellation, de masturbation, ou encore des nombreux « gros plans de sexes féminins et masculins, à l’état flaccide et en érection ». En janvier 2014, Le Loup de Wall Street (M. Scorsese) est interdit d'exploitation totale en Malaisie et au Népal, les versions indiennes et libanaises ont été coupées, à Singapour le film sort interdit aux -21 ans, et aux Émirats Arabes Unis le mot "fuck" prononcé plus de 500 fois, entraîne près de 45 minutes de coupures. En mai 2014, une des affiches du film Sin City: A Dame to Kill for (R. Rodriguez et F. Miller) mettant en scène Eva Green, est refusée par la Motion Picture Association of America (MPAA) en raison de la « courbe du sein, l'aréole et le téton [...] visibles à travers le tissu transparent » sur le visuel. Présenté en ouverture au 67ème Festival international du film de Cannes, Grace de Monaco (O. Dahan) n'a pas été projeté à Monaco sur décision de Thierry Tréhet, l'exploitant de l'unique cinéma de la Principauté. La sortie du film Son of God (C. Spencer) est un succès aux États-Unis même si Satan n'apparait plus au cours de l'histoire, l'étrange ressemblance de l'acteur Mohamen Mehdi Ouazanni avec le Président Obama, pourtant présent dans la série éponyme, ayant convaincu les producteurs de supprimer les scènes litigieuses.
La religion
En février 2014, l'institut Civitas s'indigne de la programmation de Tomboy (C. Sciamma) sur Arte mais échoue dans sa tentative de stigmatisation. En mai 2014, certaines associations catholiques s'emploient à faire croire que le retard de la sortie en salles du film Cristeros (D. Wright) en France a été orchestrée par les pouvoirs publics. Toujours en mai, la version française de l'affiche du film belge Au nom du fils (V. Lannoo) est modifiée pour son exploitation en France afin de ne pas ajouter à l'histoire racontant la vengeance de la mère d'un garçon de 14 ans qui se suicide après avoir été abusé sexuellement par un prêtre. En mars 2014, Noé (D. Aronofsky) est condamné par l'Égypte qui dénonce la représentation physique d'un prophète, interdite par l'Islam. Les comités de censure du Qatar, du Bahreïn, des Émirats Arabes Unis, de la Jordanie et du Koweit protestent également et interdisent la projection du film. En décembre 2014, Ridley Scott rencontre des difficultés similaires avec Exodus: Gods and Kings, déprogrammé des salles de cinéma en Égypte et au Maroc en raison d'imprécisions historiques et religieuses : « personnification de Dieu à travers un enfant dans une scène où il communique la révélation à Moïse », selon les autorités marocaines et « falsification de l'histoire en présentant Moïse et les juifs, en bâtisseurs des pyramides », selon les autorités égyptiennes.
La politique
The Cut (F. Akin), présenté à la Mostra de Venise en août 2014, est boycotté en Turquie parce que racontant l'histoire d'un jeune père arménien, survivant du génocide de 1915, à la recherche de ses filles. Kaum de Heere (R. Ravine) est interdit par la Commission de censure en Inde, les autorités souhaitant éviter d'éventuels troubles à l'ordre public, le film racontant l'assassinat du Premier ministre Indira Gandhi par ses deux gardes du corps sikhs. Le documentaire iranien The Silent Majority Speaks (B. Khoshnoudi), évoquant les manifestations populaire qui ont suivi la réélection du Président Ahmadinejad en 2009, est interdit au Liban par le Comité de censure pour offense à un pays étranger. En novembre 2014, la sortie en Chine de Hunger Games 3 : La Révolte (partie 1), initialement programmée en novembre 2014, est repoussée en 2015, le thème de la révolte développé dans le film suscitant la crainte des autorités, le salut des rebelles étant devenu un symbole de résistance en Thaïlande. En juin 2014, après avoir appris la sortie de The Interview (J. Franco et S. Rogen) racontant l'histoire de deux journalistes américains tentant de l'assassiner, Kim-Jong-Un exige l'interdiction du film sous peine de représailles assimilant la comédie à "un acte de guerre intolérable". Sa sortie aux États-Unis, d'abord annulée par Sony en décembre 2014, est finalement organisée le 25 décembre, à la date prévue, après un vent de polémique faisant même intervenir le Président Obama.
La violence
En mars 2014, Aux Yeux des vivants (A. Bustillo et J. Maury) passe à côté d'une interdiction aux -18 ans en France, la Commission n'appréciant guère que des enfants soient mêlés à des actes de violence, même légitimes. Alors que sa sortie est programmée sur les écrans australiens en septembre 2014, l'affiche promotionnelle de Teenage Mutant Ninja Turtles (J. Liebesman) est retirée par la Paramount après que des internautes se soient étonnés du visuel décrivant les quatre tortues new-yorkaises sautant d’un building en feu avec, mentionnée en bas de l'affiche, la date du 11 septembre... La campagne d'affichage publicitaire réalisée par la chaîne FX dans Los Angeles et certaines villes des États-Unis pour annoncer la diffusion de la nouvelle série The Strain (G. del Toro et C. Hugan) est suspendue en juillet 2014, certains américains s'étant émus d'un visuel jugé très gore. Durant l'été 2014, la Commission de Corée du Sud interdit Mizo (N. Ki-Woong) estimant que le film « abime et déforme notre sens de la dignité humaine ; et présente le danger potentiel de perturber l'ordre social et l'opinion publique ». En octobre 2014, le Bureau de classification britannique révèle que le distributeur de Horns (A. Aja) s'est autocensuré pour abaisser le niveau de classification du film au Royaume-Uni : « Lorsque Lionsgate nous a montré le film pour avoir notre avis, nous lui avons fait savoir que celui-ci risquait d’écoper d’une interdiction aux -18 ans et que, s’il souhaitait une interdiction aux -15 ans, il faudrait couper certains plans d’une scène de violence sexuelle et une image gore. » En France, Annabelle (J. R. Leonetti) est déprogrammé dans certains cinémas de Marseille, Strasbourg et Montpellier en octobre 2014 pour éviter d'éventuels troubles à l'ordre public. Meilleurs vœux cinématographiques à tous !