Depuis les affaires Antichrist (2009, Lars von Trier) et, plus récemment, Nymphomaniac volumes 1 et 2 (2013, Lars von Trier), ou encore La Vie d'Adèle chapitres 1 et 2 (2013, Abdellatif Kechiche), on sait que l'association Promouvoir conteste systématiquement devant le juge administratif les visas ministériels de classification délivrés par le ministre de la Culture pour les films contenant des scènes de sexe non simulées, explicites ou réalistes ; ou des situations à connotation sexuelles, qui n'auraient pas été interdits aux mineurs. Le tribunal administratif de Paris a rejeté, le 3 mars dernier, la requête de l'association formée contre le film Cinquante Nuances de Grey.
Le 9 février 2015, la commission de classification des œuvres cinématographiques propose au ministre d'interdire Cinquante Nuances de Grey aux mineurs de 12 ans. Fleur Pellerin suit l'avis qui lui est présenté interdisant le film aux jeunes spectateurs, faisant ainsi de la France le pays le plus tolérant au monde car, dans le même temps, le film est interdit d'exploitation en Malaisie, et interdit aux moins de 18 ans dans plusieurs pays dont le Royaume-Uni, le Canada, ou encore l'Irlande. Le 14 février, Promouvoir demande la suspension du visa ministériel, en référé – c'est-à-dire en toute urgence –, considérant que le film aurait dû être interdit à tous les mineurs ou, à tout le moins, aux mineurs de 16 ans. Les arguments mis en avant par l'association, reposent essentiellement sur l'urgence de la situation engendrée par une atteinte caractérisée à la dignité humaine, rien que ça ! L'association explique au juge qu'il « s'agit de l'histoire d'une étudiante, victime consentante d'un jeune milliardaire sadique [...] recourant à des instruments de torture » ; qu'il « existe un danger pour un public constitué d'un tiers d'adolescentes alors que le film promeut les femmes soumises et battues » ; et qu'il « insiste sur l'inconnu sado-masochiste à découvrir au travers la brutalité, de la soumission et des actes sexuels violents et humiliants ».
Après avoir examiné les différents moyens invoqués par les parties, le juge Duboz, constatant que le film a rassemblé 2,5 millions de spectateurs en deux semaines sans qu'aucun incident notable n'ait été signalé, rejette la requête présentée par Promouvoir estimant qu'aucune situation d'urgence ne justifiait sa saisine par la voie du référé. Alors qu'en penser ?
Si le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur le fond du dossier, ce qu'il pourra faire si un recours lui est présenté dans le cadre d'une procédure de saisine normale, l'ordonnance de rejet permet néanmoins de noter que le juge a constaté que le film a été expurgé « des passages à caractère pornographique figurant dans le livre » ; que sa sortie a fait l'objet « d'une large couverture médiatique informant le public de son contenu » ; et que « la photographie la plus répandue, réalisée dans l'esthétique des années 1960, reproduit la scène la plus violente du film ». Cette dernière formulation pourrait laisser penser que le juge Duboz est un cinéphile averti, spécialiste du cinéma érotique des années 60... Christophe Bier doit vraisemblablement se réjouir de cette expertise inattendue.