Après avoir interdit Nymphomaniac volume 1 (2013, Lars von Trier) aux moins de 12 ans, et Nymphomaniac volume 2 (2013, Lars von Trier) aux mineurs de 16 ans en 2013, la ministre de la Culture a finalement suivi les nouveaux avis de la Commission de classification le 9 mars 2015, en restreignant leur projection respectivement aux spectateurs de 16 et 18 ans. Se faisant, les deux décisions ministérielles de classement sont désormais conformes aux ordonnances rendues en janvier et février 2014 par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, lequel avait contesté le niveau de classification initialement attribué à chacun des deux volets.
Pour le premier volume, le visa d'exploitation interdisant l’œuvre aux moins de 16 ans est ainsi motivé : "La version allongée de Nymphomaniac volume 1 ne présente, compte tenu de l’intention du réalisateur, aucun caractère pornographique ou d’incitation à la violence au sens de l’article 227-24 du code pénal et ne justifie pas une interdiction de visa pour des motifs tirés du respect de la dignité humaine en application de l’article L.211-1 du code du cinéma et de l’image animée. Le film qui relate les multiples expériences d’une femme, de son plus jeune âge jusqu’à sa maturité, présente néanmoins, notamment au cours de scènes particulièrement crues, une image désespérée de la sexualité qui justifie une interdiction aux mineurs de moins de seize ans."
Pour le second volume, le visa d'exploitation interdisant l’œuvre aux moins de 18 ans est ainsi motivé : "La version allongée de Nymphomaniac volume 2 ne présente, compte tenu de l’intention du réalisateur, aucun caractère pornographique ou d’incitation à la violence au sens de l’article 227-24 du code pénal et ne justifie pas une interdiction de visa pour des motifs tirés du respect de la dignité humaine en application de l’article L.211-1 du code du cinéma et de l’image animée. Toutefois, le film a paru à la commission, à l’issue du second examen auquel elle a procédé, comporter un nombre important de scènes sexuelles à dominante masochiste ou dégradantes pour la personne humaine. Une interdiction aux mineurs de moins de dix-huit ans lui a semblé justifiée."
Dans le second avis, notons la subtilité sémantique permettant à la Commission de différencier - et d'écarter - l'atteinte au respect de la dignité humaine susceptible de justifier un refus de visa, des scènes sexuelles dégradantes pour la personne humaine qui motivent en partie sa proposition d'interdiction aux mineurs. Bien, bien... Interrogeons-nous désormais pour savoir ce qu'est précisément une scène sexuelle dégradante pour la personne humaine respectant malgré tout la dignité humaine.
Quelques recherches permettent de déceler une formulation équivalente dans l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 1979 validant l'interdiction totale et la condamnation à la destruction du film L'Essayeuse de Serge Korber, pour représentation minutieuse de violences et perversions sexuelles dégradantes pour la personne humaine, ou encore dans l'un des motifs d'interdiction aux mineurs du film Quand l'embryon part braconner (1966) de Kōji Wakamatsu, validée par le Conseil d’État en 2008, estimant que le film présente une image des relations entre les sexes fondée sur la séquestration, l’humiliation et l’avilissement du personnage féminin.
Bref, désormais pour la Commission, des scènes sexuelles dégradantes pour la personne humaine ne portent pas forcément atteinte au respect de la dignité humaine. Une motivation étonnante qui pourrait être contestée, une nouvelle fois, devant le juge.