Le tweet de Vincent Maraval publié aujourd'hui vient de confirmer que le 31 juillet dernier, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu le visa d'exploitation de Love en tant qu'il n'interdit pas la projection du film à tous les mineurs, motivant ainsi sa décision : " Si l’ambition du film est de proposer le récit brut d’une passion amoureuse, les scènes précitées, par leur répétition, leur réalisation, leur importance dans le scénario, comportent une représentation des relations sexuelles qui, sans toutefois caractériser des scènes à caractère pornographique et nonobstant la volonté artistique du réalisateur, sont de nature à heurter la sensibilité des mineurs ", et de préciser : "L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue ; les protagonistes s’y livrent notamment à des cunnilingus, à des fellations ainsi qu’à des pénétrations vaginales avec les doigts ou la verge ; les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “ 3D ” l’impression qu’il est atteint par le sperme." Si après deux semaines de programmation en salles la décision de justice ne va pas fondamentalement remettre en cause sa carrière commerciale - le film est actuellement à l'affiche de sept salles sur la capitale -, elle contrarie incontestablement une possible diffusion à la télévision. Alors qu'une interdiction aux moins de 16 ans permettait une programmation en deuxième partie de soirée sur les chaînes publiques, une restriction aux mineurs ne le permet plus du tout, sauf sur les chaînes cryptées et selon certains critères très stricts. Toujours est-il que Wild Bunch a d'ores et déjà annoncé vouloir contester l'ordonnance de référé devant le Conseil d'État... sans grande garantie de succès.
Le ministre et la Commission viennent, une fois de plus, d'être publiquement désavoués, par le juge, ce qui peut laisser penser que le système de classification des œuvres cinématographiques en France est en crise pour tous les films flirtant entre deux interdictions.
Dans le cas de Love, Aurélien Ferenczi nous rappelle sur telerama.fr que "le ministère de la Culture s'était pourtant joint au producteur du film – et à la Ligue des droits de l'Homme – pour expliquer sa position : " L’évolution des mœurs de la société impose à la Ministre d’arbitrer entre liberté d’expression et mesure de police restrictive, dans un sens par principe favorable à la liberté. " L'avis de la Commission précisait que " l’intention narrative de l’auteur qui dépeint une histoire d’amour intense et la force du lien créé entre les deux principaux personnages, autant que l’humanité de leur relation, ne fait pas de doute pour le spectateur. "
La justice a finalement désavoué la Ministre.
Au bout du compte, comment expliquer que le juge censure les décisions d'interdiction aux moins de 16 ans des films Baise-moi, Ken Park ou encore Nymphomaniac volume 2, considérant que la présence de scènes de sexe non simulées imposent une interdiction à tous les mineurs alors que, dans le même temps, malgré des scènes de sexe de même nature, il admette une simple interdiction aux mineurs de 16 ans pour Le Pornographe, ou bien Nymphomaniac volume 1, et valide, par ailleurs, l'interdiction aux moins de 18 ans du film Quand l'embryon part braconner pourtant dénué d'une quelconque scène de sexe ? Edmond Honorat, président de la Commission jusqu'en 2012 et rapporteur public dans l'affaire Baise-moi, explique : " On peut considérer que Baise-moi était à moitié un film X et un film de grande violence mais qui s'inscrivait dans un discours cinématographique. Dans Le Pornographe, ou dans d'autres films interdits aux moins de 16 ans, la Commission motive sa décision par le fait que la scène de sexe non simulée est unique ou, s'il y en a plusieurs, qu'elles sont extrêmement brèves ou montrées de manière non appuyée." Dans son avant-dernier rapport d'activité, la Commission réaffirme sa position : " Cette appréciation au cas par cas se retrouve dans la jurisprudence du Conseil d'État qui a admis qu'un film comportant une scène de sexe non simulée ait encouru une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans, dès lors que le propos du film n'est pas principalement à consonance sexuelle. "
Des critères permettant de comprendre la proposition de classement X d'Histoires de sexe(s) d'Ovidie et Jack Tyler en 2009, et la simple interdiction aux mineurs de 16 ans de Q alors même que le film de Laurent Bouhnik comporte de nombreuses " scènes de sexe explicites ou non simulées " selon le communiqué de la Commission. Dans ce dernier cas, elle justifie sa décision " compte tenu du sujet traité par le film, de son ton et de la manière dont les scènes en question, en général brèves, y sont présentées " en déduisant que dans ces conditions, Q ne méritait pas " une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans ". Une motivation empruntée au juge administratif qui, dans la décision du 30 octobre 2001 relative au Pornographe, a validé l'interdiction aux moins de 16 ans prise par le ministre de la Culture.
Aujourd'hui, il est bien difficile de s'y retrouver pour le ministre, la Commission et pour le juge... L'association Promouvoir, quant à elle, n'a jamais changé de discours. Une position qui infuse, progressivement...