Antoine Simkine, le responsable de la société française indépendante de production Les Films d'Antoine, rapporte une histoire incroyable, mais révélatrice d'une certaine forme de censure qui peut se manifester par la volonté d'empêcher la diffusion d'une image, d'une idée, ou d'un film sans avoir pris le temps d'examiner son contenu. Souvenons de Mary Whitehouse qui, au début des années quatre-vingt au Royaume-Uni, s'est employée à faire interdire des films de genre distribués en vidéo sans même en avoir vu un seul, ce dont elle se félicitait.
Les faits, qui se sont déroulés le 23 octobre 2015, sont reproduits avec l'aimable autorisation d'Antoine Simkine :
"Cet après midi au Chaplin Saint Lambert, il y avait une séance jeune public dans le cadre de Mon Premier Festival où était projeté Les Oiseaux de Passage d'Olivier Ringer que j'ai coproduit. Une femme de même pas trente ans avec une coupe à la Jeanne d'Arc, portant une jupe très longue taille haute, s'est approchée de l'adulte qui accompagnait les scolaires pour lui dire que ce film ne devait pas être montré aux enfants et a essayé de les empêcher de rentrer dans le cinéma. N'y parvenant pas, elle s'est rendue à la caisse pour y tenir le même discours et demander de déprogrammer le film. Je me suis interposé et elle m'a dit qu'elle était horrifiée par le synopsis où elle a lu que le petit caneton de l'héroïne risquait de finir en conserve. En effet, dans l'histoire, les parents de la petite fille, ne voulant pas garder son canard, l'envoient dans un élevage. La petite fille et son amie fuguent pour le sauver et pour l'emmener au paradis des oiseaux. La femme à la coupe Jeanne d'Arc a compris que le canard mourrait et allait littéralement au paradis avec les petites filles. Si je ne m'étais pas occupé de lui expliquer que le film était bien destiné au jeune public, que le paradis en question n'était qu'un parc naturel régional belge où les oiseaux sont protégés, que le caneton ne finissait pas en conserve, que le thème du film est de proposer un regard humaniste sur le handicap, etc., elle serait probablement parvenue à saboter la séance. Je l'ai invitée à voir le film, mais elle a refusé car elle avait trop faim. Et elle est partie."
En 1988, certaines associations religieuses agissaient de la même manière devant les cinémas au moment de la sortie en France de La Dernière tentation du Christ, de Martin Scorsese.