Dans un très bel article intitulé « Censure d'Etat au cœur du cinéma koweïtien », mis en ligne le 26 février 2017 sur TV5 Monde, Quentin Müller et Sebastian Castelier nous racontent le travail quotidien des membres du Censor Board Committee, chargés de censurer les films proposés pour une exploitation au Koweït.
« La salle s'obscurcit et se remplit petit à petit. Des hommes de corpulences variables, pour certains habillés de dishdasha grises et de leur keffieh blanc maintenu par le fameux agal noir, s'assoient. Quelques femmes aux voiles sombres font de même. Des allées et venues qui se font dans une odeur de burgers apportés par certains membres du comité koweïtien de la censure. »
Le Comité de censure, rattaché au ministère de l'Information, étudie de six à huit films chaque semaine, et supprime toutes les scènes violentes, religieuses, politiques ou immorales qui contreviennent à la loi : « Toute impudeur, scène de chair ou de sexe, font partie intégrante des lignes rouges à ne pas dépasser. Pour les films étrangers diffusés au Koweït, seule la version finale peut-être retravaillée avec des scènes coupées. Les productions locales sont elles analysées du scénario écrits à la version finale. » Ainsi, sur environ vingt scénarios de films et séries télévisées qui arrivent chaque mois au Comité, la moitié seulement sera validée en l'état. Interrogé pour l'occasion, Bader Alqallaf, un des membres du Comité, explique son travail qu'il prend très au sérieux : « On coupe si on voit un bikini, des scènes de sexe, si on parle en mal de la religion, ou si le film évoque des sujets trop politiques. C'est un travail difficile, car tu dois être en phase avec les pays qui t'entourent et les sensibilités des gens qui vont penser que c'est harām. »
Après qu'il ait souhaité gardé l'anonymat, un des membres confesse quelques regrets et la pression permanente exercée par l'Arabie Saoudite : « Il y avait ce film merveilleux, Wadjda, de cette femme qui filmait avec sa caméra cachée dans son sac et qui parlait du droit des femmes en Arabie Saoudite. Nous, la censure, avons reçu un ordre venu d'Arabie Saoudite nous demandant de ne pas diffuser le film dans notre pays », et d'ajouter : « Si un film qui est diffusé ici critique l'Arabie Saoudite, il risque alors d’embarrasser leur ambassadeur. Quand vous visez votre voisinage, spécialement d'Arabie Saoudite, vous devez faire attention. »
Les auteurs concluent leur article en livrant l'espoir dessiné par Imad El Nouwairy, un critique de films d'une soixantaine d'années, qui ne voit dans la censure actuelle qu'une étape vers la renaissance d'un cinéma koweïtien plus fort : « Les pays du Golfe ont eu leur indépendance il n'y a pas longtemps. On a construit des routes, des hôpitaux. Donc la suite viendra avec la culture et le cinéma. »
L'avenir nous le dira...