Selon Seidik Abba sur le site lemonde.fr, le film Bayiri, la patrie (2010, Pierre Yaméogo) a été déprogrammé de la sélection officielle de la 25e édition du Festival panafricain du cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco) organisé du 28 février au 4 mars 2017 au Burkina Faso, pour des raisons politico-économiques.
Abordant la question de la rébellion déclenchée en 2002 en Côte d’ivoire qui a fini par écarter du pouvoir Laurent Gbagbo, l’ex-président ivoirien en 2011, le film préacheté par Canal Horizons qui mêle fiction et drame contemporain, raconte « la descente aux enfers d’un village ivoirien essentiellement peuplé de planteurs burkinabés, contraints par la guerre d’emprunter les chemins de l’exil. […] S’il évoque les viols et les rackets perpétrés par les ex-rebelles ivoiriens, le film, que j’ai pu voir lors d’une projection exceptionnelle fin 2016 à Paris, n’a rien d’un pamphlet contre le pouvoir d’Abidjan, encore moins contre le régime du nouveau président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré. Ce dernier n’était d’ailleurs pas arrivé aux affaires lorsque le film a été tourné lors d’une grande reconstitution organisée près de Ouagadougou. », explique le chroniqueur, et d'ajouter : « Pour le groupe Bolloré, dont le patron fut l’un des rares industriels français à soutenir Laurent Gbagbo lors des derniers mois de la crise ivoirienne, on comprend qu’il vaut mieux renoncer à diffuser un film qui pourrait déplaire, notamment aux ex-rebelles ivoiriens dont certains, comme Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale, sont devenus de hautes personnalités de l’Etat présidé par Alassane Ouattara. »
Accusant sans détour le groupe de Vincent Bolloré, Seidik Abba dénonce une censure diplomatique aux enjeux économiques importants : « La prudence de Canal Horizons se comprend d’autant plus que les enjeux économiques pour le groupe Bolloré en Côte d’Ivoire sont considérables. En effet, les deux terminaux à conteneurs du port autonome d’Abidjan, le plus grand en Afrique de l’Ouest francophone, sont dans l’escarcelle du groupe français. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire est le premier pays d’Afrique francophone en nombre d’abonnés au bouquet de Canal Horizons. »
Une situation qui explique la déprogrammation politique du film par le Fespaco, la Côte d’Ivoire étant le pays invité d’honneur de la 25e édition : « Il n’y a pas de consigne donnée par le pouvoir pour censurer le film, mais c’est le principe de précaution qui a amené les organisateurs à l’écarter de la compétition officielle », confie un spécialiste du cinéma africain au journaliste, Seidik Abba précisant que « le pouvoir burkinabé n’a visiblement pas voulu prendre, à travers la diffusion officielle de Bayiri, le risque de mettre en danger la dynamique de réconciliation amorcée avec la Côte d’Ivoire. Les deux pays ont connu fin 2015 une période de forte tension après que Guillaume Soro a été soupçonné d’avoir appuyé la tentative de coup d’Etat du général burkinabé Gilbert Diendéré ».