Dans un communiqué daté du 10 février 2017, André Bonnet annonce qu’il va déférer au Conseil d’État en urgence par la voie du référé, le décret Azoulay relatif à la modification des conditions d’attribution des visas d’exploitation des œuvres cinématographiques susceptibles d’être interdites aux mineurs :
Le contenu du décret du 8 février 2017, relatifs aux visas décernés aux films exploités en salles de cinéma, a convaincu l’association de saisir le Conseil d’État à son encontre.
Ce décret comporte certes deux points positifs, ce dont l’association, qui en souhaitait l’adoption, ne peut que se féliciter : d’une part le tribunal administratif de Paris est exclu du nouveau régime contentieux (trop lent à juger et jugements systématiquement négatifs, régulièrement annulés ensuite par la cour administrative d'appel ou le Conseil d’État), d’autre part la distinction irréaliste et obsolète entre scènes de sexe « simulées » et « non simulées » est abandonnée, pour ne retenir que le concept de « scènes de sexe ».
Mais, sur deux autres points, il se révèle illégal et intellectuellement « vicieux », sa nocivité n’apparaissant qu’après examen approfondi. Voici pourquoi :
a) Il autorise désormais la pornographie assumée, de même que l’incitation et la banalisation de la violence, y compris avec accumulation de telles scènes, à figurer dans des films non classés en X, sous la seule réserve d’une interdiction aux moins de 18 ans et qu’il existe un « parti pris esthétique ou un procédé narratif ». Ceci permettra aux salles grand public – et aux producteurs - de les diffuser sans pour autant perdre l’aide de l’État, et annonce donc le retour subventionné de la pornographie et de la grande violence, avec publicité, dans toutes les salles de cinéma, en violation de l’article L.311-2 du Code du cinéma et de l'image animée (ancien article 12 de la loi n°75-1278 du 30 décembre 1975) !
b) Le décret prévoit par ailleurs que les films comportant des « scènes de sexe » (on suppose « réalistes » ?) qui sont de nature « à troubler gravement la sensibilité des mineurs » doivent être interdits aux mineurs. Mais cette formulation, apparemment séduisante et plus exigeante que l’ancienne (on ne parle plus de « sexe non simulé »), ouvre en réalité par son imprécision la porte à tous les subjectivismes : quels mineurs en effet ? 12 ans ? 17 ans ? Qu’est-ce qu’un trouble grave ? Le contrôle existant fondé sur des éléments objectifs est donc remplacé vicieusement par un contrôle essentiellement subjectif, en vue de faire obstacle à la jurisprudence du Conseil d’État.
Enfin, si le critère (lui-même imprécis) de « l’accumulation de scènes de sexe » ou de violence complaisante « de nature à troubler gravement la sensibilité des mineurs » est posé comme impératif pour l’interdiction aux moins de 18 ans, l’incertitude demeure totale pour les cas où une telle accumulation n’existe pas. La lecture littérale devrait certes conduire à une interdiction aux moins de 18 ans, mais le risque est grand que le critère de l’accumulation soit en fait érigé en condition impérative, ce qui conduirait à une violation de l’article 227-24 du Code pénal. Le décret ne remplit dès lors pas la condition d’intelligibilité de la loi qu’exige la jurisprudence, et doit en tout état de cause être purgé en urgence de cette grave ambiguïté.
Le Conseil d'Etat va-t-il annuler un décret dont il a pourtant validé le projet ? A suivre...