Actualisé le 2 janvier 2018.
Depuis maintenant plusieurs semaines, Padmavati, le dernier film du réalisateur indien Sanjay Leela Bhansali, est vivement contesté en Inde, la communauté rajput demandant son interdiction totale. Si la Commission de contrôle (CBFC) et la justice indiennes n'ont pas (encore) donné satisfaction à ses opposants, la sortie du film sur les écrans initialement programmée le 1er décembre 2017, a été reportée pour éviter les tensions, les violences et les troubles à l'ordre public. Viacom18, qui co-produit le film, a publié un communiqué le 19 novembre dernier expliquant que la sortie de Padmavati était momentanément repoussée : « Nous sommes assurés que nous obtiendrons très bientôt les autorisations nécessaires. Nous annoncerons la date de sortie au moment voulu. » Le 28 novembre 2017, la Cour Suprême a rejeté la demande d'interdiction du film pour la troisième fois, estimant qu'il revenait au Central Board of Film Certification (CBFC) de se prononcer, ce qu'il devrait faire dans les prochains jours.
La rumeur ayant affirmé après l'été dernier que le film contiendrait une scène de sexe imaginaire entre Deepika Padukone et Ranveer Singh, la communauté rajput a immédiatement réagi en accusant le cinéaste de salir la mémoire de la reine indienne considérée comme une véritable déesse. Le parti régional Karni Sena a d'abord envoyé des militants vandaliser les décors durant le tournage puis il a menacé de couper le nez de l'actrice interprétant la reine avant que Suraj Pal Amu, l'un des dirigeants du parti du Premier ministre Narendra Modi, ne déclare offrir une récompense de 1,5 million de dollars à celui ou celle qui tuera Sanjay Leela Bhansali, le réalisateur, et Deepika Padukone, l'actrice principale de Padmavati qui incarne la reine indienne tombée amoureuse d’un sultan musulman. Une romance fictionnelle, puisque le poème qui a inspiré ce film ne fait pas état de cette liaison, ce que lui reproche Suraj Pal Amu, qui accuse le cinéaste d’avoir déformé l’histoire originelle. Les défenseurs de la liberté d'expression dénoncent l'absence de réaction du gouvernement après les appels au meurtre lancés publiquement dans les médias.
Certains spécialistes français du cinéma indien, telle Frédérique Bianchi - chercheure indépendante, programmatrice en festival et distributrice de films indiens - replace l'affaire dans son contexte politique : « Des élections se profilent, en particulier au Gujarat, ancien fief de Modi (connu pour sa (non) gestion des émeutes meurtrières contre les musulmans en 2012 dans cet État). Or la gouvernance de Modi et du BJP, soutenu par l'ensemble des partis nationalistes et extrémistes indiens pro hindutva, est très critiquée et marquée par une répression à la fois soigneusement orchestrée (équipe de trolls sur les réseaux sociaux entre autres) et brutal (assassinats d'opposants et de journalistes qui se multiplient depuis son arrivée au pouvoir). Du coup, s'attaquer à Padmavati, c'est certes répréhensible et injustifié mais surtout une bonne occasion de focaliser les médias et le public sur autre chose que la possibilité d'évoquer les effets de la politique. Si le BJP perd les élections au Gujarat, ce sera une énorme claque pour Modi. Tant et si bien qu'on sait déjà que la production de Padmavati attend simplement la fin de la campagne pour sortir le film. »
Interdit aux moins de 12 ans non accompagnés par le British Board of Film Classification le 22 novembre 2017, Padmavati, qui doit également sortir dans les salles du Royaume-Uni le 1er décembre prochain, vient d'être attaqué par la communauté rajput de Londres qui a demandé au Bureau de classification britannique de réviser sa décision et d'interdire le film. A défaut d'une interdiction totale, Mahendrasinh Jadeja, le président du Rajput Samaj U.K, exige que « le film ne soit pas diffusé avant que la décision ne soit prise en Inde ».
Les derniers développements mis en ligne le 28 décembre 2017 laissent penser que Padmavati devrait être autorisé pour tous les spectateurs accompagnés d'au moins un adulte, moyennant un changement de titre mais aussi de nombreuses coupures.