Mis à jour le 29 décembre 2017.
Les attentats du 13 novembre 2015 seront au cœur d’une fiction de France 2 dans quelques semaines. Intitulé Ce soir-là (Marion Laine, 2018), un téléfilm avec Sandrine Bonnaire et Simon Abkarian en tournage jusqu'au 22 décembre 2017, raconte l'histoire d'une rencontre amoureuse au moment de l’attentat parisien du Bataclan. Mais l’idée déplaît à certaines des familles de victimes jugeant le scénario indécent. Parmi elles Claire Peltier, qui a perdu son compagnon la nuit du drame, a lancé une pétition pour exiger l’arrêt immédiat de la production. Interrogé, France 2 indique que Ce soir-là sera « une grande histoire d’amour impossible mais aussi celle d’une renaissance, sur fond de Paris, ville romantique par excellence mais aussi aujourd’hui ville blessée. »
Une explication qui ne suffit pas à apaiser la colère de la veuve : « Le temps de la justice n’est même pas passé. […] Je suis choquée d'apprendre qu'à peine deux ans après, un téléfilm est déjà en train d'être réalisé. [...] Qui sont ces gens pour oser penser que ce projet ne va pas nous faire de mal ? [...] On nous parle d’une romance, quel décalage avec ce qu’on a vécu ! C’est indécent. Nous, on l’a perdu, notre amour. » En revanche, Claire Peltier affirme qu’elle n’a rien contre l’adaptation de Vous n’aurez pas ma haine, joué par Raphaël Personnaz au Théâtre du Rond-Point, tirée de la lettre d’Antoine Leiris dont la femme est morte sous les balles des terroristes au Bataclan : « Les mots guérissent et apaisent, mais les images, c’est trop violent », explique-t-elle.
En février 2017, des producteurs américains avaient déjà provoqué l'indignation après avoir annoncé préparer un long-métrage sur les attentats de Paris de novembre 2015. Intitulé Violent Delights, le projet devrait s’inspirer des faits et suivre le destin d’un jeune immigré et d’un groupe de musiciens punk et d’étudiants en art, pris au piège au milieu des attaques.
La pétition en ligne a recueilli près de 39 000 signatures au 29 décembre 2017 :
Le 13 novembre 2015, mon compagnon David, le père de mes deux enfants, perdait la vie sous les balles des terroristes, juste à l'entrée du bataclan.
Comme lui, ce soir-là, des femmes et des hommes ont trouvé la mort ; d'autres ont été blessés à jamais dans leur chair comme dans leur esprit. Deux ans après, nos plaies sont encore à vif, nos chagrins sont immenses, nos vies sont meurtries.
Aujourd'hui, nous apprenons qu'un tournage est en cours pour un téléfilm diffusé sur France 2. Le scénario présenté ? Une romance amoureuse entre deux personnes qui naît au cours de cette terrible nuit du 13 au 14 novembre alors qu'elles cachent des blessés.
Ce projet nous blesse, nous heurte, nous choque… Nous sommes scandalisés qu'un tel projet audiovisuel puisse voir le jour si peu de temps après cet événement aussi violent.
Quel intérêt pour nous, familles endeuillées, victimes et proches de victimes, de revivre ainsi cet événement dans le cadre d'un téléfilm ? Pensez-vous réellement que ce projet est de nature à rendre hommage à nos morts, à nos chers disparus ? Souhaitez-vous que l'on vous raconte la nuit d'horreur que nous avons vécue entre le 13 et le 14, bien loin de l'histoire d'amour que vous imaginez ?
Pour vivre notre deuil, nous avons besoin de silence, de pudeur, de dignité, de respect… et non d'une fiction romanesque destinée à réveiller l'audimat de votre chaîne de télévision. Ne pouvez-vous donc pas trouver d'autres sujets de fiction pour attirer vos téléspectateurs, sans raviver nos douleurs et notre deuil ? L'art peut certes avoir une fonction réparatrice et consolatrice, mais de grâce, n'osez pas, ici, nous parler de projet artistique.
Nous demandons à la direction de France 2 et à Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, de renoncer à ce projet trop douloureux, par respect pour nos douleurs, pour notre deuil, pour les personnes disparues et blessées. Par respect pour le service public de télévision.
Dans un communiqué mis en ligne le 28 décembre 2017, France 2 a finalement décidé d'ajourner la diffusion du téléfilm : « France 2 rappelle qu’aucune date de diffusion n’était prévue pour la fiction intitulée Ce soir-là, non encore visionnée par la direction de la chaîne. Par ailleurs, France 2 a pris la décision d’ajourner ce projet tant que la production du téléfilm n’aura pas consulté largement l’ensemble des associations des victimes. »
Dans un communiqué mis en ligne le 10 janvier 2018, l'association de réalisateurs de films de télévision (Groupe 25) s'est indigné de voir les réseaux sociaux dicter la décision d'une chaîne de télévision publique.
Dans un article du 12 janvier 2018, Camille Langlade rapporte :