Samedi 10 mars 2018, la culture berbère devait être mise à l’honneur en Normandie à l'occasion de la Journée de la femme organisée par la commune de Harfleur située près du Havre en Normandie. Les organisateurs de l'exposition A la découverte de la culture berbère, dont l’Association Culture Berbère 76 (ACB 76), avaient préparé un programme entièrement dédié à la culture berbère et à la place qu’y occupe actuellement la femme. Le film Messages kabyles, de l'écrivain engagé Shamy Chemini qui vit à Honfleur, devait même y être projeté pour servir de base au débat.
Pourtant la veille de la rencontre, Christine Morel, maire de la ville, apprenant que Ferhat Mehenni a été invité par Shamy Chemini, décide in extremis d’annuler cette manifestation culturelle qui devait durer un mois. La présidente de l’ACB 76 informe alors ses adhérents dans l'urgence sur Facebook : « Le maire d'Harfleur a annulé la journée de demain à la salle La Forge. Nous sommes désolés de vous annoncer cela si tard, mais nous venons tout juste de l'apprendre et ne connaissons pas les raisons exactes de l'annulation. Nous vous tiendrons bien évidemment au courant pour la suite. Merci de votre compréhension. »
Si la Journée de la femme organisée par la commune est maintenue, l'exposition est annulée et la projection de Fatima (Philippe Faucon, 2015) a remplacé celle de Messages Kabyles.
Selon Shamy Chemini, la raison de cette volte-face est d'abord politique, le maire communiste de Honfleur ne souhaitant ni la présence de Ferhat Mehenni ni la projection du documentaire Messages Kabyles.
En réalité, découvrant tardivement la tournure politique que prend l'événement, la municipalité ne souhaite pas favoriser l'expression séparatiste kabyle au détriment de la présentation apolitique de la culture berbère, Shamy Chemini se qualifiant lui-même de ministre de la Culture du gouvernement kabyle en exil dirigé par Ferhat Mehenni, fondateur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie devenu Mouvement pour l'Autodétermination en Kabylie (MAK) en 2013.
Ne voulant pas que l'exposition et la journée du 10 mars consacrées à la culture berbère ne deviennent une une tribune politique dédiée à la Kabylie indépendante, Christine Morel assume et justifie sa décision dans un courrier adressé à Shamy Chemini :
« Le refus de choisir un autre film dans le cadre de cette programmation, l'invitation par vos soins de M. Ferhat M'henni, ainsi que votre information quant à la venue d'une délégation politique autoproclamée, ont dénaturé et pris en otage l'événement lui donnant des allures, de manière déguisée, de vitrine dédiée au gouvernement provisoire kabyle et derrière lui au MAK, mouvement d'extrême droite algérienne. Souhaitant organiser un événement profondément apolitique et ouvert, […] j'ai pris la décision en tant que maire […] d'annuler la journée […]. Maintenir cet événement reviendrait à soutenir un projet contraire à toutes les valeurs républicaines et démocratiques que la municipalité que je dirige, défend […]. »
Dans une lettre publiée le 17 mars 2018, Shamy Chemini lui répond et annonce vouloir porter l'affaire devant les tribunaux :
« Une fois encore, une municipalité, des maires communistes, appliquent la censure[...]. La première fois, c’était à Châtillon-Montrouge en 1968. Afin de pouvoir lui obtenir une salle de répétitions pour son groupe encore naissant Les Abranis, le responsable a exigé [que je] prenne la carte du PC. Deux censures à Fontenay-sous-Bois en 1996. Alors que [je viens présenter mon] livre Orgueilleuse Kabylie à l’occasion de la Journée de lutte pour les droits des femmes, la maire de l’époque exige la présence d’un écrivain arabophone ! Voyant la porte close, [je dédicace mes] ouvrages sur le parking de la Maison de la Culture. Dernière en date, le 10 mars 2018, la maire de la municipalité d’Harfleur en Normandie a annulé, la veille, un événement dédié à la Journée de lutte pour les droits des femmes. Le même jour, une lettre recommandée avec accusé de réception, signée de Madame Christine Morel maire d’Harfleur, [me parvient], [me] qualifiant de manipulateur à la sensibilité d’extrême droite, prétexte émis pour annuler les festivités. Je vous laisse découvrir la totalité de la lettre et les raisons évoquées par la maire. [Je me] réserve le droit de porter plainte auprès de la justice, considérant ces propos diffamatoires et cette censure totalement d’un autre âge. Répondant aux questions des présents le 10 mars, Madame Morel a justifié l’annulation en évoquant des raisons techniques et renouvelant ses propos sur une prétendue extrême droite ! Madame Morel devra donc répondre de cette diffamation devant les tribunaux avec demande de dommages et intérêts. Elle porte atteinte à mon intégrité d’homme public. [...]. »