Alors que l'on croyait que le décret du 8 février 2017, qui a notamment modifié les critères susceptibles de justifier une interdiction aux moins de 18 ans, figerait le dispositif pendant plusieurs années, Yves Gounin - le président de la Commission - nous apprend dans un entretien offert à Pierre Monastier, que le prochain rapport d'activité en cours de préparation, pourrait formuler des propositions nouvelles.
Nous choisissons de reproduire un extrait de cet entretien :
Y a-t-il eu un film qui a particulièrement fait polémique en 2018 ?
Il y en a eu trois pour lesquels le distributeur, qui ne se satisfaisait pas de la mesure de classification, trop sévère selon lui, que nous avions proposée au ministre, a demandé – ce qu’il peut faire – que nous visionnions à nouveau le film. Le ministre, dans ces trois cas, a fait droit à cette demande : chacun de ces trois films a fait l’objet d’une nouvelle séance.
Le premier, c’est À genoux les gars d’Antoine Desrosières, film français qui présente des sujets délicats liés à la sexualité des jeunes et à leur relation au consentement. Dans un premier temps, la commission a mis un avis « moins de seize ans », que le distributeur a estimé trop sévère ; après un nouveau visionnage, par une majorité très serrée, nous avons donné un avis « moins de douze ».
Le deuxième film est Caniba, un documentaire relatif à ce Japonais qui avait, au début des années 80, tué puis mangé une étudiante hollandaise à Paris. La commission a considéré, notamment au regard de l’atteinte au respect de la dignité humaine, qu’il ne convenait pas aux mineurs, aux moins de dix-huit ans, ce qui est une mesure d’interdiction particulièrement sévère ; la commission a confirmé cet avis à la suite d’un second visionnage.
Le troisième film, enfin, est un blockbuster hollywoodien, qui mêle film de guerre et film de zombie : Overlord. On le conçoit très bien, le cœur de cible était l’adolescent. Alors qu’elle avait conscience du caractère pénalisant d’une telle interdiction, la commission a posé un avis « moins de seize ans » ; nous avons confirmé cet avis sévère après second visionnage.
Ce troisième cas est-il lié au fait qu’il n’y ait aucune limite d’âge entre douze et seize ans ? D’autres catégories ne seraient-elles pas envisageables, voire bénéfiques ?
Tout à fait. Un échelon intermédiaire aurait été, sans trahir le secret de nos délibérations, le bienvenu dans le cas d’Overlord, pour lequel une classification « moins de douze » était sans doute trop laxiste et celle « moins de seize » légèrement trop sévère. Toute classification est évidemment arbitraire ; celle-là ne fait pas exception. Les classifications varient dans l’espace, d’un pays à l’autre, et dans le temps. En France, avant le moins de douze, de seize et de dix-huit ans, nous avons eu un moins de treize et un moins de dix-huit…
Que préconisez-vous ?
La commission va faire des propositions, dans son rapport triennal, sur ces classes d’âge. Deux questions se posent.
La première est liée au point que nous venons d’évoquer, à savoir que la commission est toujours confrontée à la difficulté de l’écart trop grand qui sépare le « moins de douze » du « moins de seize ». Ces quatre années sont, dans l’évolution de l’enfant, déterminantes. Un enfant de douze ans et demi n’a pas le même profil psychologique qu’un jeune de quinze ans trois-quarts.
La seconde est la question de l’harmonisation des grilles entre les différents médias, notamment entre le cinéma et la télévision. Il est particulièrement illisible qu’elles ne soient pas identiques. Par exemple, on comprend mal pourquoi il existe à la télévision un « moins de dix ans », que le cinéma ne comprend pas.
Quelles sont les nouvelles tendances cinématographiques que vous observez ?
Tout d’abord, nous voyons des films qui viennent de plus en plus de tous les pays du monde, du Bhoutan ou du Paraguay… Mais ce qui me frappe surtout, c’est la quantité croissante de documentaires qui sortent au cinéma. Voilà seulement vingt ans, il n’y en avait aucun. Fahrenheit 9/11, Palme d’or du festival de Cannes 2004, semble avoir ouvert une brèche ; il ne se passe presque plus de semaine sans un ou deux documentaires, en général assez bons et tous publics. Rares sont ceux qui passent devant la commission.
Vous pouvez retrouver l'entretien complet : ICI.