Mis à jour le 21 mars 2019.
Amale Ajebli nous apprend que les ayants droit de Michael Jackson ont entamé le 21 février 2019 des poursuites contre la chaîne de télévision américaine HBO, qui se prépare à diffuser un documentaire accusant le chanteur mort en 2009, d'avoir commis des abus sexuels sur deux jeunes garçons. Une plainte déposée auprès d'un tribunal de Los Angeles reproche en effet à HBO de violer un accord de « non-dénigrement » qu'elle aurait signé en 1992, et lui réclame de ce fait 100 millions de dollars de dommages-intérêts.
Rappelons qu'en 1993, un adolescent de 13 ans avait porté plainte pour attouchements sexuels contre Michael Jackson. L'affaire s'était alors réglée à l'amiable moyennant une transaction de 15 millions de dollars. En 2005, Michael Jackson était passé en jugement à Santa Barbara pour des abus commis sur un autre mineur, mais avait été définitivement acquitté.
Malgré cette action en justice, la chaîne vient de réaffirmer qu'elle diffuserait comme prévu le documentaire Leaving Neverland (Dan Reed, 2019) présenté au festival du film de Sundance. Un documentaire qui reprend notamment les témoignages de Wade Robson et James Safechuck, qui tous deux affirment avoir été victimes d'abus sexuels commis par Michael Jackson alors qu'ils étaient respectivement âgés de sept et dix ans. Les deux épisodes de Leaving Neverland, inspiré du nom du ranch construit par l'artiste en Californie, seront programmés les 3 et 4 mars 2019 « en dépit des tentatives désespérées pour discréditer le film », selon HBO.
En France, une action en justice contre la diffusion du documentaire pourrait peut-être aboutir si l'on se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2015 qui a validé l'interdiction de diffusion télévisée d'Intime Conviction (Remy Burkel, 2014), un téléfilm qui présentait un procès inspiré de l'affaire Muller, un médecin légiste pourtant définitivement acquitté du meurtre de sa femme, et ce d'autant plus que le documentaire sur Michael Jackson n'est pas une fiction.
Rappel de l'affaire : Le 28 février 2014, la cour d'appel Paris a confirmé l'interdiction de rediffusion du téléfilm Intime conviction (initialement programmé le 14 février 2014) et des programmes associés, lequel raconte le déroulement d'un procès inspiré de l'histoire du docteur Muller, médecin légiste, accusé du meurtre de sa femme. L'arrêt a validé l'ordonnance du 27 février 2014 du juge des référés saisi pour atteinte à sa vie privée. Après avoir souligné les nombreuses similitudes entre l'histoire de leur client et le téléfilm puis le faux procès, les avocats du docteur Muller ont obtenu l'interdiction de diffusion d'une histoire pour laquelle Jean-Louis Muller, 58 ans, a définitivement été acquitté par la cour d'assises de Nancy de l'accusation de meurtre, en octobre 2013, après deux condamnations à 20 ans de prison pour des faits remontant à 1999.
Sur le site de l'IRIS, Amélie Blocman nous a ensuite expliqué que par une décision du 30 septembre 2015, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par la chaîne Arte et les sociétés de production contre l’arrêt d’appel les ayant condamnés à cesser sous astreinte la diffusion dudit programme pour atteinte à la vie privée. Alors que la chaîne Arte se prévalait de la liberté de création audiovisuelle qui implique, selon elle, la possibilité pour l’auteur d’une œuvre de fiction de s’inspirer de faits réels et d’incorporer dans son œuvre des éléments imaginaires, la Cour de cassation a estimé que si la création audiovisuelle peut s'inspirer de faits réels et mettre en scène des personnages vivants, elle ne saurait, sans l'accord de ceux-ci, empiéter sur leur vie privée dès lors qu'elle ne présente pas clairement les éléments ressortant de celles-ci comme totalement fictifs. En validant la décision des juges du fond, la Première chambre civile affirme donc que la cour d'appel a pu déduire de ses constatations qu'une telle atteinte était caractérisée à l'égard du demandeur, justifiant dès lors une limitation du droit à la liberté d'expression.
Les deux parties du documentaire ont été diffusées le 21 mars 2019 sur M6 à 21 heures, une version plus courte d’une heure environ que le montage américain. Des coupes qui n’ont toutefois rien à voir avec une forme de censure. Il s'agit en effet de l'une des deux versions co-produites par HBO et Channel 4, raccourcie à trois heures, allégée de plans de coupes – des images aériennes de villes et du ranch de Michael Jackson – permettant d'y inclure les écrans publicitaires. Aucune action en justice n'a été intentée pour empêcher sa diffusion.