Les autorités russes vont-elles interdire Fraternité, le dernier film de Pavel Lounguine ?

Marina Lepenkova nous révèle la polémique provoquée par la sortie dans les salles russes de Fraternité (Bratsvo, 2019), le prochain film de Pavel Lounguine primé à Cannes pour Taxi Blues en 1990. Basé sur des faits réels, le film dresse le portrait d'un groupe de militaires pris dans l'engrenage des derniers mois de la guerre menée par l'URSS en Afghanistan de 1979 à 1989, un conflit qui a fait officiellement plus de 14 000 morts du côté de l'armée soviétique.

Défendant une œuvre qu'il dit « honnête », le réalisateur y montre des soldats ivres ou se livrant au pillage, des scènes peu conformes à l'air du temps en Russie où les autorités soumettent le monde culturel à une pression croissante pour montrer le passé sous un jour héroïque.

Pavel Lounguine « a tourné un film antipatriotique, qui démotive les jeunes à aller servir sous les drapeaux, car il montre nos militaires pillant les caravanes, se bagarrant et picolant », explique l'ancien combattant Igor Morozov, aujourd'hui vice-président de la Commission pour la Culture au Conseil de la fédération, la chambre haute du Parlement russe. Dans un courrier adressé au ministère de la Culture, le responsable d’une association d'anciens combattants dénonce « un exemple classique de russophobie, qui présente les vétérans comme une bande de dégénérés, de voleurs et d’assassins face à des Afghans blancs comme neige. »

Initialement prévue le 9 mai 2019, au moment où le pays célèbre sa victoire contre l'Allemagne nazie, la date de sortie du film a finalement été repoussée au lendemain après des semaines d'incertitude. Malgré les attaques et les demandes demandant d'interdiction totale, le visa d'exploitation de Fraternité n’a pas été retiré par les autorités. Le film devrait donc sortir normalement le 10 mai prochain, interdit aux moins de 16 ans.

Quant à Pavel Loungine, il se dit déterminé à poursuivre son œuvre de cinéaste, et à traiter de sujets historiques. Son prochain film devrait porter sur l’histoire du Goulag et sur la répression exercée par Staline. Un sujet qui risque une nouvelle fois de provoquer la discorde voire la colère à Moscou.