
Souhaitant distribuer en France le documentaire Food Evolution (Scott Hamilton Kennedy, 2016) qui expose « les mécanismes de diabolisation utilisés par les anti-OGM contre cette technologie », l’entreprise 2iFilms, une jeune société de distribution cinématographique créée en 2018, a rencontré d’énormes difficultés : « Food Evolution a révélé une situation inquiétante qui était méconnue, voire dangereuse, pour la garantie du pluralisme dans le cinéma, à savoir la mainmise des associations militantes dans la programmation cinématographique française », écrit Eddy Agnassia, l’un des responsables de 2iFilms, dans une note confidentielle d’une dizaine de pages datée du 11 décembre 2019 : « Seuls les films qui défendent leurs causes ont droit de cité. C’est un monopole de la pensée qui est ainsi imposé. »
Sorti sur les écrans américains en 2017 et dans quelques salles en France au mois de février 2019, Food Evolution n’a pas été distribué en Europe. Eddy Agnassia fait part de son amertume et livre les dessous de toute cette affaire.
Soumis à la fin de l’année 2018 à la procédure d’obtention du label Art et Essai, le film est refusé un mois plus tard à l’unanimité par le collège des experts de l’association française des cinémas d’art et d’essai (AFCAE) : « Ce film a obtenu le pire vote jamais enregistré par le comité d’experts », déplore Eddy Agnassia, qui juge cette décision d’autant plus étrange que son réalisateur n’est pas un novice en la matière. Scott Hamilton Kennedy a même été nominé aux Oscars en 2009 pour le film The Garden.
Initialement choisi pour ouvrir la 8e édition du festival international du cinéma Le Temps Presse, Food Evolution a finalement été déprogrammé. « Marc Obéron, son directeur, nous a contactés pour nous indiquer que la direction du festival avait reçu des pressions pour le déprogrammer, car le film ne semblait pas plaire à certains membres du jury », note Eddy Agnassia. Certains n’hésitent pas à pointer du doigt Juliette Binoche, membre du jury, très engagée dans la lutte contre les biotechnologies végétales.
« Très vite, nous avons également compris qu’il y avait eu des menaces de retraits de financement par certains partenaires du festival si sa programmation était maintenue », poursuit Eddy Agnassia qui déplore que le documentaire ait été sacrifié par des professionnels du cinéma « qui ne niaient pas sa qualité cinématographique puisque ce film avait été retenu dans un premier temps pour être programmé dans le cadre de ce festival ». Selon lui, la raison de cette décision est limpide : « Il a été exclu parce qu’il n’était pas politiquement correct, compte tenu de son message véhiculé sur l’agriculture, les pesticides et les OGM. »
Interrogé par European Scientist, le réalisateur précise encore sa pensée : « Je pense que le traitement des OGM et des pesticides abordés dans Food Evolution a fait peur à la plupart des distributeurs européens et français. C’est une approche très différente des autres films programmés au cinéma qui dénoncent habituellement les dangers des OGM. Personne ne voulait endosser la promotion d’un film ouvertement pro-science, qui risquait fort d’être catalogué comme étant un film pro-OGM. […] La sortie de Food Evolution au cinéma a révélé une situation inquiétante qui était méconnue, à savoir la mainmise totale des associations militantes dans la programmation de films documentaires sur l’agriculture, l’alimentation et la science dans les salles de cinéma. C’est simple, la plupart des documentaires doivent maintenant recevoir l’approbation et le soutien de ces associations militantes, sous peine de ne pas exister médiatiquement et commercialement. On comprend aisément l’explication de l’unique diffusion au cinéma de films anti-OGM, anti-pesticides, anti-science, anti-agroalimentaire mais faisant la promotion perpétuelle du bio, de la permaculture et de l’agroécologie dans son ensemble. N’hésitez pas à regarder sur le Net la liste des films diffusés depuis plus de dix ans au cinéma, vous allez être étonnés. »