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CENSURE & CINEMA

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Collection Darkness, censure et cinéma


Muhammad: The Messenger of God, déprogrammé en Inde sous la pression sunnite

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 23 Juillet 2020, 10:17am

Catégories : #censure, #interdiction, #Muhammad, #Iran, #Inde, #Majidi, #Raza Academy, #film, #Don Cinema

Après plus de sept ans de production, Muhammad (Muhammad: The Messenger of God, 2015) du réalisateur iranien Majid Majidi (Le Secret de Baran, Les Enfants du ciel), consacré à l’enfance du prophète Mahomet, est sorti en Iran au mois d’août 2015. Pourtant, bien que réalisé avec l'accord des autorités religieuses chiites du pays, le premier volet d'une future trilogie consacrée à la vie du Prophète a été fortement critiqué par les défenseurs de l’Islam sunnite, opposés à sa représentation, même suggérée, considérant le long-métrage comme une « incitation à l'idolâtrie ».

 

Rappelons aussi qu’en 2012, alors que le film était encore en production, l'Arabie Saoudite avait publiquement fait part de son opposition au projet défendu par le cinéaste : « En tant qu'artiste musulman [...] mon objectif était de créer une vision [de l'Islam] qui change de celle qu'a l'Occident » et qui se résume souvent à un « terrorisme islamique attaché à la violence. […] Par un jeu d'effets spéciaux, Son visage n'apparaît jamais, même si l’on peut voir Sa silhouette et Son profil. »

 

Alors que Muhammad devait être projeté en avant-première en septembre 2016 à Tunis, la Mosquée Cairote Al Azhar avait exigé son annulation pour « atteinte au caractère sacré du Prophète ». Des manifestations avaient même été organisées devant la Maison du Cinéma de Tunis, le grand Mufit demandant son interdiction totale en Tunisie pour « provocation aux sentiments des musulmans ». Au bout du compte, Lassaad Goubantini, le distributeur tunisien du film, avait cédé et annulé sa diffusion.

 

Le dernier rebondissement nous est révélé par Shuddhabrata Sengupta.

 

Alors que Muhammad devait être mis en ligne sur la plateforme indienne Don Cinema le 21 juillet 2020, un groupe sunnite barelvite rattaché à la Raza Academy de Mumbai, a demandé au gouvernement du Maharashtra d'interdire la sortie du film, ce que le gouvernement de l'État a finalement fait. Plus encore, le ministre de l'Intérieur du Maharashtra, Anil Deshmukh, a même écrit au gouvernement central pour demander le blocage du film dans tout le pays, en expliquant que la figure du Prophète ne pouvait être représentée, y compris au cinéma, le spectateur ne devant pas associer Son visage à « un acteur humain imparfait ».

 

Le 22 juillet 2020, l'écrivain Shuddhabrata Sengupta écrit : « Cette tentative de censure générale d'un film sur les plateformes et les réseaux sociaux en Inde est condamnable. […] Elle crée un précédent et montre la soumission du gouvernement du Maharashtra à un groupe de fanatiques religieux qui souhaite imposer sa vision du monde. […] Cette interdiction est une porte ouverte pour les organisations fondamentalistes et terroristes hindouistes. »

 

Dans sa longue démonstration, Shuddhabrata Sengupta va encore plus loin : « Les opposants à la représentation figurative du Prophète ignorent délibérément ou méconnaissent la longue histoire des représentations visuelles respectueuses du Prophète et de sa mission dans les cultures islamiques sud-asiatique, iranienne, arabe et turque. Une attitude qui traduit une ignorance volontaire et pathétique de l'histoire de l'art, de la poésie et de la littérature islamiques. »

 

Plus loin, il ajoute : « Je ne dis pas que le film de Majidi est le meilleur film jamais réalisé. Mais pour moi, il est à classer aux côtés de L'Évangile selon Saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964), d’Andreï Roublev d'Andrei Tarkovsky (1966) et de Sant Tukaram de Vishnupant Damle (1936). Il s’inscrit dans la longue tradition cinématographique qui s'est engagee avec le Sacré, en respectant des normes artistiques et narratives très élevées. Priver les spectateurs d’un film sur le Prophète Mahomet [...] est tout simplement criminel. Que ceux qui ne veulent pas le voir ne le regardent pas, personne ne les y oblige. Mais que ceux qui le souhaitent, qu’ils soient ou non musulmans, puissent le découvrir sans crainte d’être empêchés. »

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