Comme nous vous l'annoncions sur ce blog il y a quelques jours, on découvre ce matin dans l’édition du journal officiel n° 315 du 30 décembre 2020, la publication de l’article 64 de la loi de finances n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 pour 2021, lequel abroge très officiellement les majorations et les prélèvements spéciaux imaginés aux articles 11 et 12 - ces derniers avaient déjà été en partie abrogés par l'ordonnance du 24 juillet 2009 - de la loi de finances du 30 décembre 1975 pour 1976 à l’encontre des films à caractère pornographique et d’incitation à la violence, dont le champ d'application à la diffusion des films cinématographiques sur un support vidéo avait été étendu aux articles 1605 sexies, septies et octies du Code général des impôts (CGI). Un dispositif validé par le Conseil d'État dans la décision Société Manirys n° 341064 du 22 septembre 2010, dans laquelle le juge a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Paris, estimant, par ricochet, que le dispositif fiscal prévu à l'art. 1 605 sexies du CGI était conforme au principe d'égalité des citoyens (en l'occurrence des entreprises) devant les charges publiques.
L’article 64 de la loi du 29 décembre 2020 dispose donc, notamment, que les articles 1605 sexies, septies et octies du CGI sont abrogés. Une disposition passée presque inaperçue, adoptée sans modification par le Parlement ni censure du Conseil constitutionnel, qui s’inscrit dans le cadre de la politique générale de suppression des taxes à faible rendement. Il peut paraître surprenant que la droite ne se soit pas opposée à son adoption, au moins par principe, même si cette fiscalité spécifique ne rapporte plus rien depuis les dernières classifications X de 1996.
Ces trois articles instauraient jusqu’à ce matin :
« Un prélèvement spécial de 33 % est perçu sur la fraction des bénéfices industriels et commerciaux imposables à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu qui résulte de la production, de la distribution ou de la représentation de films pornographiques ou d'incitation à la violence. » (1605 sexies)
« Le prélèvement spécial prévu à l'article 1 605 sexies s'applique également à la fraction des bénéfices industriels et commerciaux qui résulte de la production, de la distribution ou de la représentation publique d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence diffusées sur support vidéographique. » (1605 septies)
« Le prélèvement spécial prévu à l'article 235 ter L s'applique à la fraction des bénéfices industriels et commerciaux imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés qui résulte des opérations de vente et de location portant sur des publications mentionnées au 1° de l'article 279 bis ou des œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence diffusées sur support vidéographique. » (1605 octies)
Si ces abrogations marquent officiellement la fin de la surtaxation fiscale du cinéma pornographique dans notre pays, certaines dispositions particulières demeurent, notamment pour ce qui concerne la TVA. Toujours en vigueur, l'article 302 KE du CGI devenu 1609 sexdecies B du même code en 2010 dispose :
« Une taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels est due à raison des opérations : 1° De vente et location en France de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public ; 2° De mise à disposition du public en France de services donnant accès à titre onéreux à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique ; […] Le taux de la taxe est fixé à 5,15 %. Il est porté à 15 % lorsque les opérations concernent des œuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces œuvres et documents sont fixées par décret. Pour les redevables mentionnés au 1° du II, la taxe est calculée après application d'un abattement de 65 % sur la base d'imposition. Cet abattement ne s'applique pas lorsque les opérations mentionnées au 1° du III concernent des œuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. »
Un taux majoré passant de 2 à 10 % en 2009, puis à 15 % avec la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 (article 193.V).
Notons enfin que, selon la direction générale des finances publiques que nous avions interrogée au début de la mise en place du dispositif, la taxe sur les vidéogrammes de l'article 1609 sexdecies B du CGI avait rapporté 7,87 millions d'euros en 2012, soit environ 1,1 % des recettes du centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Ce bouleversement fiscal marquera-t-il le retour des films à caractère pornographique en salles ? L’avenir nous le dira... peut-être.