Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CENSURE & CINEMA

CENSURE & CINEMA

Collection Darkness, censure et cinéma


Le gouvernement italien confie la classification des films aux professionnels du cinéma mais conserve la décision finale en cas de conflit

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 7 Avril 2021, 08:49am

Catégories : #censure, #italie, #interdiction, #cinéma, #commission

Le jour de la publication du rapport d’activité de la commission française de classification des œuvres cinématographiques pour la période 2016-2018, on apprend que le ministère de la Culture vient de confier la classification des films par tranches d’âge aux professionnels du cinéma tout en conservant la décision finale, via une Commission administrative, en cas de désaccord.

Le 6 avril 2021, Dario Franceschini, le ministre italien de la Culture du gouvernement de Mario Draghi, a signé un décret portant création d’une commission de classification des œuvres cinématographiques (commissione per la classificazione delle opere cinematografiche) chargée de vérifier le niveau de la classification des films dorénavant confiée aux professionnels du cinéma : « Avec l’abolition de la censure au cinéma, nous sortons définitivement du système de contrôle et d’intervention qui permettait à l’État de s’immiscer dans la liberté de création des artistes. » La concrétisation d’une promesse formulée en 2016 après le vote de la loi sur le cinéma. Il ne sera désormais plus possible d’interdire un film ni d’imposer des modifications à l’œuvre originale. A ce jour en Italie, les œuvres cinématographiques exploitées en salles peuvent être classées en trois catégories : celles autorisées pour tous publics (T, pellicola per tutti), et celles interdites aux moins de 14 ans (VM14, vietato ai minori di 14 anni) ou de 18 ans (VM18, vietato ai minori di 18 anni). Le décret de 2021 ajoute un nouveau palier d'interdiction à 6 ans.

Ansa Nicola Borrelli, la directrice générale du cinéma et de l’audiovisuel du ministère de la Culture à laquelle est rattachée la Commission, explique : « Une sorte d'autorégulation vient d’être mise en place. Ce sont désormais les producteurs ou les distributeurs qui auto-classeront les films. La commission n’aura pour mission que de valider leur décision ». Une évolution majeure depuis la toute première Commission italienne instituée par l’arrêté royal du 31 mai 1914, qui met fin au dispositif de contrôle du cinéma organisé par la loi du 21 avril 1962.

« Il s’agit d’une forme de responsabilisation. Nous sommes mûrs ! », a estimé pour sa part le réalisateur Pupo Avati, dont le film Bordella sur l’ouverture d’une maison close à Milan par une multinationale américaine, avait été censuré en 1975 : « Cela rendait aussi les films plus attrayants, en suscitant la curiosité du public, surtout dans le domaine érotique. On ne censurait pas les films pour leur violence. »

Une décision forte qui s’inscrit à la suite de l'exposition permanente et virtuelle Cinecensura du ministère de la Culture qui, sur les 35 000 œuvres cinématographiques présentées aux autorités italiennes depuis 1944, recense 274 films italiens, 130 films américains et 321 films étrangers interdits d'exploitation et 10 000 autres autorisés après modifications. Parmi elles, presque toutes les œuvres de Pier Paolo Pasolini ou encore Ultimo Tango a Parigi (Dernier tango à Paris, 1972) de Bernardo Bertolucci qui se vit retirer ses droits civiques pendant cinq ans, et dont toutes les copies du film furent détruites sur décision de la Cour de cassation - sauf trois conservées « en tant que preuve » à la Cineteca Nazionale. Il faudra attendre 1987 pour que le film soit autorisé.

On pourrait également citer Totò e Carolina (Monicelli, 1955) - interdit pendant deux ans, le temps pour que son réalisateur fasse 80 coupes pour des « infractions contre les forces de l’ordre », en transformant même des militants du Parti communiste italien... en soldat alpins ! - La spiaggia, Rocco e i suoi fratelli, La dolce vita, L’avventura, La ragazza in vetrina et bien d’autres encore. Le dernier cas important de censure remonte à 1998 avec Totò qui vécut deux fois de Daniele Ciprì et Franco Marescoest - dont l’histoire située dans un Palerme monstrueux et apocalyptique grouillant de personnages grotesques et blasphémateurs - qui fut attaqué par les milieux catholiques.

Aujourd’hui, remarque Francesco Martinotti, président de l’association des auteurs (ANAC), « si la censure d’État a disparu, c’est la censure des chaînes de télévision et de la publicité qui sévit », et de rappeler que Il Divo, le film de 2008 réalisé par Paolo Sorrentino sur la vie de Giulio Andreotti - président du Conseil italien à sept reprises, que l’on disait proche de la mafia -, a été interdit de diffusion sur les chaînes publiques de télévision pendant près de dix ans.

Présidée par Alessandro Pajno, le président du Conseil d'État, et composée de quarante-neuf membres choisis parmi les professionnels du cinéma, les experts de la protection des mineurs ou encore les membres des associations de parents et de protection des animaux, la nouvelle commission de classification des œuvres cinématographiques est chargée de valider ou de modifier le niveau de classification des films attribué par les professionnels du cinéma dans les vingt jours qui suivront leurs décisions.

Si pour le cinéaste de 88 ans Tinto Brass, « cette décision va dans le bon sens - puisqu’il ne sera plus possible d'interdire un film ni d’imposer des coupures ou des modifications - tant qu'il y aura une Commission qui décidera in fine du classement des œuvres en établissant des interdictions, ne serait-ce que sur la base du seul critère d'âge, rien ne changera vraiment ».

La collection Darkness, censure et cinéma devrait consacrer un prochain volume à la censure cinématographique en Italie.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents