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CENSURE & CINEMA

CENSURE & CINEMA

Collection Darkness, censure et cinéma


Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof a été condamné pour avoir réalisé Un homme intègre, un film primé à Cannes en 2017

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 25 Juillet 2019, 08:31am

Catégories : #censure, #interdiction, #iran, #Mohammad Rasoulof, #Un homme intègre, #Cannes

Ipadakam, 2017.

 

Le 23 juillet 2019, le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof a été condamné à un an de prison ferme et deux ans d’interdiction de quitter le territoire iranien pour « propagande contre la République islamique d’Iran » en application de l’article 500 du Code pénal islamique.

 

Une information confirmée par Michèle Halberstadt, fondatrice d’ARP Sélection, son distributeur français, qui précise que Mohammad Rasoulof dispose encore d’un délai de 20 jours pour faire appel de cette décision : « Rasoulof est un artiste. Il est absurde de l’accuser de porter atteinte à la sécurité de l’État avec pour tout moyen une palette d’ombres et de lumière. Nous demandons instamment à ce que sa liberté lui soit rendue sans plus tarder afin qu’il puisse continuer à créer. »

 

On se souvient que le cinéaste avait été interpellé le 16 septembre 2017 à Téhéran alors qu’il revenait du festival de Telludride aux États-Unis, après avoir remporté quelques mois plus tôt le Prix du jury au 70e festival international du film de Cannes dans la catégorie Un certain regard pour Un homme intègre (2017), un vibrant et courageux réquisitoire contre la corruption dans son pays. Le film, qui raconte l’histoire d’un homme à la vie simple qui tente de se battre contre la corruption d’une compagnie privée poussant des villageois à vendre leurs biens, avait été très critiqué par les conservateurs. Depuis, le réalisateur vivait dans l’attente de son audition et d’un jugement.

 

Le 5 décembre 2017, il s’exprimait à ce sujet dans Télérama :

 

« En Iran, il faut demander deux autorisations, l’une pour le tournage, l’autre pour la sortie en salles. Pour la première, j’ai fait comme d’habitude : dans le scénario transmis aux autorités, j’ai camouflé les passages qui auraient pu chatouiller la censure – avec l’expérience, je finis par connaître la sensibilité des censeurs. Ensuite, lors du tournage, j’ai réintégré les scènes manquantes.

 

Sans vouloir trop entrer dans les détails (qui pourraient être utilisés contre moi lors d’un futur procès), il y a eu trois interventions du bureau de la censure, suivies de trois interruptions du tournage. Mais j’ai appris à gérer ce genre de situations. Prenons un exemple : en Iran, vous ne pouvez pas tourner une scène avec des personnages de policiers sans la présence d’un représentant des forces de l’ordre. Je me suis arrangé : la présence de vrais policiers sur le plateau n’a pas influencé ce que je voulais tourner.

 

Je voulais présenter Un homme intègre au festival de Téhéran au printemps dernier. Il a été refusé au prétexte que c’était un film ‘faible’, ‘décousu’ – aucun motif politique n’a été avancé par les organisateurs. Les médias iraniens proches du pouvoir m’ont aussitôt attaqué en disant qu’il n’avait aucune valeur artistique. Mais peu de temps après, Un homme intègre a été sélectionné à Cannes. Les autorités m’ont alors demandé de procéder à des changements massifs dans le montage.

 

Il y avait treize modifications majeures. Il fallait expurger notamment tout ce qui touche à la justice iranienne, aux minorités religieuses non musulmanes… Mais aussi, toutes les scènes autour de la « Compagnie » qui persécute Reza, le personnage principal du film qui refuse la corruption. A travers toutes ces coupes, la censure voulait ramener le film à un cadre strictement local afin que les spectateurs se disent : ‘C’est une simple bagarre dans un village, ce n’est pas un système national, mais juste un différend local qui dégénère.’ Si j’avais accepté leurs demandes, il aurait fallu refaire tout le film ! »

 

Ce n’est pas la première fois que Mohammad Rasoulof se voit infliger une telle condamnation. En mai 2011, il avait déjà remporté le Prix de la mise en scène dans la catégorie Un certain regard pour son film Au revoir qui raconte la vie d’une jeune avocate iranienne interdite d’exercer et qui décide de quitter son pays, son mari journaliste engagé devant vivre dans la clandestinité.

 

Interdit de quitter le territoire iranien, sa récompense lui avait été décernée en son absence. En octobre 2011, le réalisateur a ensuite été condamné à un an de prison pour « activités contre la sécurité nationale et propagande », tandis que Jafar Panahi était pour sa part condamné à six ans d’emprisonnement pour le même motif. Les deux cinéastes préparaient alors un film sur les manifestations populaires consécutives à la réélection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad en 2009.

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