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CENSURE & CINEMA

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Collection Darkness, censure et cinéma


Le retitrage du film La Forêt des songes : censure ou business ?

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 29 Avril 2016, 16:36pm

Catégories : #affiche, #cinéma, #censure, #la forêt des songes, #nos souvenirs

Le retitrage du film La Forêt des songes : censure ou business ?

Dans un article intitulé Dans quelle mesure les affiches de films nous mentent-elles? publié sur le 5 avril 2016 sur vodkaster.com, Chris Beney et Léa Jourdan nous livrent une réflexion pertinente sur la modification des affiches de films à des fins commerciales en revenant sur l'incroyable histoire de La Forêt des songes (2015, Gus Van Sant) retitré Nos souvenirs par son distributeur français. Nous choisissons d'en reproduire certains extraits :

« Les journalistes présents lors de la première projection de presse de Nos souvenirs à Cannes s’en souviennent forcément puisqu’ils sont à l’origine de toute l’affaire. A peine le film terminé, des huées d’une intensité folle retentissent partout dans la salle, comme si chacun avait passé son temps à retenir sa frustration et lâchait enfin les chevaux. Ce cri de rage, hargneux – injuste ou pas, à vous de voir le film pour en décider – retentit bien au-delà de la Croisette, minant par avance la future exploitation du film. [… ] Distributeur en France de la patate chaude, SND a décalé la sortie de La Forêt des songes, l’a retitré en Nos souvenirs […] mais a surtout tenu à promouvoir [le film] comme s’il [en] était un autre [...]. Regardez l’affiche, vous ne remarquez rien ? Le logo de la Palme d’Or devrait y figurer, comme pour tout film en Compétition dans le plus grand festival du monde. [...]. La Forêt des songes était peut-être en Compétition à Cannes, mais Nos souvenirs, non, sûrement pas, vous devez confondre. Sur le plan purement visuel, Matthew McConaughey reste la tête d’affiche, mais c’est Naomi Watts qui se retrouve à son niveau, à la place du pauvre Ken Watanabe, plus fin qu’un arbre, dans la bande inférieure. […] Dans La Forêt des songes, il n’était question que de suicide : un Américain vient mettre fin à ses jours là où des Japonais ont fait de même avant lui, et repousse soudain son plan morbide pour venir en aide à un homme. Pas d’épouse, pas de Naomi Watts. Dans Nos souvenirs, une épouse apparaît, elle a même un prénom, Joanie, et c’est à elle que pense notre héros, tout le temps, davantage qu’à l’homme qu’il devait sauver en tous cas, vu que dans le nouveau pitch il n’en est plus question. […] »

Les affiches peuvent également évoluer pour s'adapter au marché :

Le retitrage du film La Forêt des songes : censure ou business ?

« Celles et ceux qui ont vu Manglehorn en salles, sur la foi de son affiche, doivent être aujourd'hui plutôt dubitatifs. Dans ce film de David Gordon Green, Al Pacino joue le rôle-titre : un serrurier acariâtre qui écrit à une femme qu'il n'a pas vu depuis vingt ans, un solitaire préférant la compagnie de son chat à celle de son fils. Sa vie est morne, la photo du film est verdâtre, Pacino monologue souvent, etc. Pas vraiment le programme annoncée par le visuel de l'affiche : à l'avant-plan d'une photographie champêtre, Al Pacino marche accompagné d'une fillette tenant un ballon de baudruche. A l'écran, le héros est misanthrope et grincheux. Aux arrêts de bus, il s'affiche en papi gâteau. Si on se fie au visuel de Manglehorn, on a l'impression que Tony Montana s'est transformé en Michel Serrault dans Le Papillon, tant les affiches des deux films se ressemblent. Sauf que le personnage de Serrault emmène effectivement la petite Elsa à la chasse aux papillons, alors que les minutes passées par Pacino avec la fillette de Manglehorn - dont l'interprète n'est même pas créditée en bas de l'affiche - se compte sur les doigts d'une seule main. De l'autre côté de l'Atlantique, la première affiche de Manglehorn montrait des jambes attribuées à Al Pacino, et un chat, l'être vivant avec qui le héros passe le plus de temps dans le film. Mais comme en France, même souci : les graphistes en mal d’inspiration ont allégrement pompé un modèle des années 1970, l'affiche française (et même européenne) du Privé de Robert Altman. De cette première affiche américaine, jusqu'à l'affiche française - il ne s'agit pas d'études ni de versions de travail, mais bien de produits diffusés - on est passé d'un chat examinant un calibre sur fond jaune, à une image de grand-père aimant. Le slogan a bien changé, lui aussi. De l'esprit Far West de « You get one shot at life. Try not to miss », il ne reste rien. Le ton n'est plus le même, place à l'optimisme avec « La vie avant tout ». Une évolution qui correspond bien à l'autre changement flagrant : le remplacement du revolver des débuts par un ballon et celui du chat - dont on apprécie le transformisme entre la 1ère et la 2ème affiche US - par une enfant, preuve que ni arme à feu ni griffes n'ont leur place dans le Manglehorn en VF. »

 

Les affiches sont avant tout des visuels publicitaires destinés à attirer le spectateur en salles :

Le retitrage du film La Forêt des songes : censure ou business ?

« Quelles soient françaises ou américaines, les affiches de cinéma correspondent à des normes susceptibles d'indiquer rapidement à quel registre ou quel genre le film appartient. Dans le cas du documentaire animalier, par exemple, la couleur bleue semble indispensable. Alors que pour vanter les mérites un film d'action doublé d'un thriller, les distributeurs privilégient des affiches en mouvement, qui consistent à exposer un homme en pleine course dans une rue pavée. Tout cela tient désormais de la convention : en un coup d’œil, on se fait une idée du contenu du film en associant instinctivement l'affiche que l'on voit à d'autres vues par le passé, donc en associant inconsciemment le contenu des films (si ça a le même look, c'est que c'est la même chose). Nouveauté : désormais, on n'uniformise plus seulement par le genre, mais par la nationalité.

En France, c'est le cas des films iraniens (et même au-delà, tant qu'il y a des femmes voilées, puisque Les femmes du bus 678 a droit au même visuel alors qu'il vient d’Égypte). Avec le succès de son film Une séparation, Asghar Farhadi a eu droit a des redites en matière d'affiches, même pour ses œuvres antérieures à celle qui lui a valu l'Ours d'Or et le César du meilleur film étranger. On jette un œil au visuel d'A propos d'Elly et on se dit que c'est du même réalisateur que Une séparation. Mais ça ne s'arrête pas là. La charte graphique Farhadi vaut maintenant pour tous les films iraniens, histoire que l'on soupçonne chacun d'eux d'être de la trempe de Farhadi, donc d'Une séparation.

Problème : cette norme gomme les spécificités des histoires et affaiblit leur portée. C'est flagrant dans le cas d'Une femme iranienne, dont l'affiche française a valu a son distributeur d'être accusé de transphobie. Pourquoi ? Parce qu'en vendant son film comme un nouveau portrait de femme dans la veine d'autres réalisations iraniennes, celle-ci faisait complètement oublier qu'il était en fait question d'un garçon trans female to male. Chacun est libre de voir là une forme de trahison ou une volonté d'ouvrir le sujet à l'audience la plus large possible, compréhensible du point de vue de distributeurs, même si cela flirte parfois avec le mensonge par omission.

Sur la seule foi de son affiche française, comment savoir que Windfighters est un film coréen et non américain ? C'est impossible, mais il n'y a rien de faux sur l'affiche : le visuel met simplement la tête du héros sous un casque, ne place aucun nom en avant et laisse supposer, par association avec Top Gun ou tout autre film avec des avions de chasse, qu'il s'agit d'un film américain. C'est plus vendeur que coréen et c'est de bonne guerre. »

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