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CENSURE & CINEMA

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Collection Darkness, censure et cinéma


Festival de Cannes : scandales et controverses

Publié par darkness-fanzine.over-blog.com sur 25 Avril 2017, 08:51am

Catégories : #censure, #cinéma, #interdiction, #cannes, #scandale, #controverse, #cinémathèque

Depuis 70 ans, l'histoire du festival de Cannes est riche en scandales et controverses. Films chahutés, récompenses contestées, incidents diplomatiques, blasphèmes organisés, la liste est longue de titres auxquels la sélection officielle a assuré un destin houleux. Un voyage à travers ces œuvres sulfureuses en 26 titres, mis en mots par Thierry Frémaux, délégué général du festival de Cannes, à l'occasion de l'exposition "Festival de Cannes : scandales et controverses" organisée par la Cinémathèque française du 26 avril au 28 mai 2017 :

Du Festival de Cannes, qui célèbre cette année sa 70e édition, on ne saurait dire ce qui, depuis la première édition annulée en 1939 et sa relance de 1946, le qualifie le plus : la sélection officielle, le palmarès, la Palme d'or, les marches, le tapis rouge ? La presse, le marché, le public ? Tout cela à la fois sans doute, mais dans l'histoire du festival, quelque chose a aussi affirmé sa permanence : les scandales et les controverses, les films qui ont choqué ou dérangé les uns, qui ont été sifflés ou vilipendés par les autres. De la même manière que les œuvres entrées avec noblesse dans l'histoire du festival, ils en ont aussi fait la mythologie. Cependant, les réduire à leur seul rôle de trublion serait hâtif, comme de les cantonner à une éphémère célébrité : tous les films qui ont secoué la Croisette ont alimenté de beaux débats dont certains courent encore et ont questionné chacun à leur manière l'histoire du cinéma contemporain. Et ont évité au plus grand festival de cinéma au monde d'être un lieu de consensus et d'officialité.

Typologie des scandales

Consulter cette programmation de la Cinémathèque permet déjà de constituer une typologie du scandale cannois. Il y a d'abord le scandale esthétique, dont La Dolce vità et L'Avventura en 1960 marquèrent une sorte d'avènement. En gros : « Le film est ennuyeux, nul et incompréhensible. » À leur suite, le cinéma moderne aura pris sa part en la matière : Pialat et son Satan, Guerman et Kroustaliov ma voiture, Bresson et L'Argent, Bruno Dumont et L'Humanité. Sans oublier Brown Bunny de Vincent Gallo, qui fit l'unanimité contre lui... ou presque, puisque je ne fus pas le seul à le défendre. Mais que ce fut douloureux. On pourrait ajouter Oncle Boonmee d'Apitchatpong Weerasethakul que le président Tim Burton porta aux nues, contre les grincheux. Mais la rage des uns n'est pas celle des autres : en 1987, le jury d'Yves Montand sut récompenser Maurice Pialat qui, Palme d'or en main, siffla les siffleurs.

Il y a également le scandale « politique », avec guillemets tant il est difficile d'en discerner les contours et de comprendre aujourd'hui qui a pu se sentir offensé en 1956 par la présence de Nuit et brouillard d'Alain Resnais ou celle en 1977 de L'Homme de marbre de Wajda. En revanche, je me souviens parfaitement qu'Hors-la-loi de Rachid Bouchareb fut vilipendé pour un scénario provisoire par des responsables politiques qui n'avaient pas vu le film. La projection régla tous les problèmes : là encore, l'offense semble difficile à comprendre aujourd'hui. Pour Fahrenheit 9/11 de Michael Moore comme pour Pialat, c'est l'attribution de la Palme d'or qui choqua. Ça n'était certes pas la meilleure livraison du documentariste américain mais le jury en décida autrement en soulignant que son choix fut clairement déterminé par le contenu anti-George Bush du film. Aujourd'hui, le film est une curiosité et la Palme d'or fut directement commentée par la Maison-Blanche qui déclara... qu'elle n'en dirait rien.

Il y a encore le scandale au nom de la « morale », et on ne peut passer sous silence les hauts-le-cœur que certains films sélectionnés provoquèrent chez quelques esprits sensibles, ou chagrins, c'est selon. En effet, Cannes fut longtemps le terrain où s'affrontaient différentes conceptions des bonnes mœurs : celle des artistes n'est en général pas la même que celle du quidam, festivalier, critique ou spectateur de passage. Certains laissèrent sur les joues de Marco Ferreri et Marcelo Mastroianni les traces de leur crachat à la sortie de La Grande bouffe. Dans le même ordre d'idées, on pourrait citer : Viridiana, La Maman et la putain, La Petite, Max mon amour et quelques autres. Sans oublier le scandale des films dits « violents »... : La Peau, Irréversible, Antichrist, Funny Games, Crash...

Palmarès, mon beau souci

Certains scandales naissent spontanément : la Cinémathèque programme des films dont le scandale, à ses yeux comme aux nôtres, est... qu'ils ont fait scandale. Un journal a même traité de « trous du cul » ceux qui n'aimaient pas le film de Philippe Garrel, Les Frontières de l'aube. Mais terminons par ce qui fait réagir chaque année en fin de festival : le palmarès. Par exemple, l'attribution supposément injuste de tel ou tel prix à tel ou tel film, ou lorsque tel autre film ne figure pas au palmarès : voir Toni Erdmann l'année dernière. On sentit cependant plus de tristesse que de colère. Serait-ce que l'époque n'a plus l'énergie de se battre ? Avouerais-je moi-même le regret que j'éprouve parfois à voir le consensus dominer plus souvent que par le passé ? Certes, le temps a heureusement réglé ce qui devait l'être. Mais que serait Cannes sans les fauteuils qui claquent, sans une presse bagarreuse, sans des festivaliers exigeants ? Sans les erreurs du sélectionneur, aussi ? Mais autant que le temple du glamour et le marché le plus florissant du monde, Cannes est depuis toujours la plus belle terre de cinéma et il ne le serait pas autant s'il n'était aussi le lieu de grandes bagarres et de coups de tonnerre.

Le 25 avril 2017 sur le site de Rfi, le directeur de la programmation de la Cinémathèque, Jean-François Rauger :

Votre rétrospective « scandaleuse » du Festival de Cannes affiche 26 films. Il y a eu 26 scandales en 70 ans ?

Oh, non, il y en avait plus [rires]. Après, il y a des petits et de gros scandales. C’est une question d’échelle. Le chiffre de 26 n’a pas de valeur scientifique.

Vous distinguez plusieurs types de scandales. Commençons avec les scandales esthétiques, dont Oncle Boonmee. En 2010, le palmarès consacrait le réalisateurthaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec un film dont certains disaient de ne rien comprendre. Et avec 130 000 entrées, cela fut l’un des pires échecs d’une Palme d’or au box-office. Est-ce cela les caractéristiques d’un scandale esthétique ?

On demande beaucoup de choses au Festival de Cannes. Il y a une « norme » qui voudrait que la Palme d’or soit un film qui serait appelé de devenir aussi un succès public, etc. Donc tous les cinéastes un peu marginaux dans l’industrie ou qui sont des cinéastes un peu expérimentateurs, sont souvent considérés comme n’ayant pas leur place en tête du palmarès. C’était le cas pour Oncle Boonmee. Donc il y a eu des réactions pour contester le fait qu’un film qui n’est pas grand public, qui n’a pas vocation d’attirer un très grand public, ait la Palme d’or.

Puis il y a les scandales politiques. Nuit et brouillard d’Alain Resnais a été retiré en 1955 de la compétition pour éviter un incident diplomatique avec l’Allemagne. En 2010, Hors-la-loi, le film de Rachid Bouchareb sur l’histoire franco-algérienne avait agité la rue au-delà du Festival.

Le cinéma est parfois le reflet des contradictions dans les sociétés. Lorsque le film de Bouchareb aborde une partie de l’histoire de France, à un moment, où les Français ne sont pas encore réconciliés, il y a des attitudes et des analyses très opposées sur ce moment de France qui est le début de la décolonisation… Le film a été attaqué pour son sujet et même sur son sujet présumé, puisqu’il avait déclenché des réactions même avant d’avoir été vu. Parce qu’il touchait ce que certains considéraient comme un tabou de l’Histoire de France. Nuit et brouillard est encore autre chose. C’est le fruit d’une époque où la sélection française était proposée par le gouvernement. Donc là, c’étaient des considérations diplomatiques qu’on peut trouver [aujourd’hui] assez étranges qui ont fait en sorte que le film soit retiré de la sélection officielle.

Au grand rayon des scandales au nom de la « morale » on trouve entre autres La Grande Bouffe de Marco Ferreri avec lequel vous ouvrez la rétrospective à la Cinémathèque. C’est l’histoire de quatre hommes décidant de « se réunir dans la "bouffe", la "baise", l’amitié et la mort ». Le film avait déclenché « cris et vociférations violentes ». On pourrait y ranger aussi Melancholia de Lars von Trier. Le film était bien parti pour une Palme d’or, mais le réalisateur a été exclu du Festival après avoir déclaré par provocation ses « sympathies » pour Hitler, avant de s’excuser. La morale, est-ce toujours un bon point de départ pour un scandale au Festival de Cannes ?

Finalement, il n’y a pas de scandales. Le scandale est toujours dans l’œil de celui qui regarde. Évidemment, un certain nombre de films peuvent heurter la morale des spectateurs, pour des raisons diverses : politiques, esthétiques, de représentation… Ce qui a été reproché à La Grande Bouffe, c’était finalement sa vulgarité, sa grossièreté, sa trivialité. Donc, avec des plans, des images, des séquences que d’aucuns considèrent ne pas devoir être filmés, au nom d’une morale qui est de toute façon subjective. Mais c’est la morale qui détermine le scandale.

Y a-t-il déjà un scandale en vue dans cette 70e édition du Festival de Cannes ? Certains murmurent que le nouveau film de Roman Polanski pourrait être rajouté sur la liste des films en compétition. Un Roman Polanski qui a dû se retirer de la présidence de la cérémonie des Césars après un appel au boycott de féministes, car le cinéaste franco-polonais est toujours poursuivi par la justice américaine et recherché par Interpol pour une accusation de viol d’une mineure de 13 ans en 1977. En cas de sélection, la présence de Polanski au Festival, pourrait-elle être considérée comme un scandale ?

Oui, mais c’est un scandale qui n’a plus rien à voir avec le cinéma. Là, on reproche à un artiste un comportement, mais qui n’est pas lié au fait qu’il a réalisé un film. Ce film aurait sa place au Festival de Cannes. C’est différent de la présidence des Césars, une distinction honorifique qu’on accorde à une personne. Là, c’est un artiste qui montre une œuvre. Je pense que le scandale – s’il y a scandale – devrait être quand même moins évident.

Après avoir revu et sélectionné ces 26 films sur les scandales et controverses au Festival de Cannes, quelle est votre définition d’un scandale sur la Croisette ?

Un scandale à Cannes, cela réveille un peu le Festival. Cela le fait à la fois dérailler de son fonctionnement normal et en même temps, le scandale doit faire partie du Festival de Cannes. Un beau Festival est un festival qui montre des films qui parlent du monde aujourd’hui, qui exprime des visions personnelles qui peuvent heurter des gens. Après tout, c’est un peu normal qu’il y ait des scandales dans ce type de manifestations. Lorsqu’il y a eu le film de David Cronenberg, Crash, à l’époque, le président Gilles Jacob était persuadé que ce film allait déclencher un scandale ou allait parler de lui, faire heurter quelques sensibilités. Et il l’avait mis expressément au milieu du Festival avec l’idée que cela allait relancer le Festival.

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