Un collectif de professionnels du cinéma dénonce la censure politique exercée par la région PACA

Mis à jour le 15 mai 2018.

Le quotidien Le Monde met en ligne aujourd'hui la tribune publiée par un collectif de professionnels du cinéma dont Denis Robert, Bertrand Tavernier, Yolande Moreau, Costa Gavras, Julie Bertuccelli et Robert Guédiguian, pour dénoncer la censure exercée selon eux par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) après qu'elle ait retiré son aide financière au documentaire Cogolin, ville à vendre (Pascal Lorent, 2018) consacré à Marc-Etienne Lansade, l’ancien maire FN élu en 2014.

En réalité, Aude Dassonville précise que le film a reçu un avis favorable du comité d’experts chargé d’étudier les demandes d’aide financière, mais un avis facultatif qui n'a finalement pas été suivi. Une décision sans précédent, puisque depuis la création de ce fonds d’aide au cinéma et à l'audiovisuel de la Région PACA en 2003, les avis favorables n’ont jamais été repoussés par l’exécutif.

Si le film a été diffusé le 7 mai 2018 sur France 3, Denis Robert, son producteur pour Citizen Films, a fait part de son intention d'assigner en justice la région pour le préjudice subi : «  J’ai pris les services d’un avocat. Avec la perte de cette subvention, ma société de production se retrouve avec un déficit de 20 000 euros. Mais le problème est aussi moral. Comment justifier cette décision autrement que pour des raisons politiques ? Si elle fait jurisprudence, que va-t-il se passer ? On va finir par faire exclusivement des films sur des majorettes et Marcel Pagnol ? […] Ce n'est pas un film partisan, on ne prend pas partie. On dit l'importance de s'engager en politique, l'importance des conseils municipaux quand les citoyens accordent leur confiance à un homme. »

La tribune interpelle l'opinion publique :

« Au moment où s’ouvre le Festival de Cannes, formidable moment de création et de liberté, nous sommes saisis par l’irruption soudaine d’une censure politique en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Lieu de solidarité internationale vis-à-vis des réalisateurs pourchassés par les pouvoirs politiques dans leurs pays, notre région est le théâtre d’un arrangement de basse cuisine électorale entre une présidence Les Républicains (LR) et un conseiller régional ex-Front national (FN). De quoi s’agit-il ?

Un film documentaire portant sur la gestion au quotidien de la ville de Cogolin gagnée aux dernières municipales par le FN vient de voir l’aide qui lui avait été octroyée par la commission audiovisuelle de la région annulée. Son réalisateur Pascal Lorent, habitant de Cogolin, a capté pendant quatre ans les soubresauts et les vicissitudes politiques de sa commune. Son producteur, Denis Robert, après avoir reçu l’engagement de la région, vient d’être informé par un membre du cabinet du président Renaud Muselier, que son film était jugé trop « politique » pour être aidé par une assemblée régionale composée d’élus LR et FN. Jamais en vingt ans d’existence, un élu n’avait remis en cause un financement après qu’un collège d’experts a livré un avis favorable. L’affaire « Cogolin » est donc un précédent fâcheux qui nous incite aujourd’hui à prendre la plume.

Aux demandes répétées d’explications émanant des auteurs, réalisateurs, producteurs indépendants, des journalistes, et des citoyens de la Région, le cabinet de la présidence se cantonne de répéter que, sous cette mandature, « aucun film documentaire politique ou ayant trait à la politique » n’a été, n’est et ne sera aidé. Cette explication est démentie par les faits. A minima, quatre documentaires traitant de politique ont pu être produits avec le soutien de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur. [...] »

Le site Arrêt sur Images a en effet retrouvé au moins deux documentaires politiques subventionnés par la région depuis le début de la mandature :

« C’est ainsi le cas de Retour à Forbach, de Régis Sauder. Sorti en 2017, le documentaire évoque le retour du réalisateur dans la ville de son enfance, marquée par l’entrée du Front National et de Florian Philippot au conseil municipal en 2014. Un contexte proche de celui du film de Pascal Lorent, donc, mais situé ici en Moselle. Autre exemple, Système G, réalisé par Fanny Fontan, Romain Fiorucci et Frédéric Legrand, qui a bénéficié d’une subvention en 2016. Le documentaire interroge la permanence d’un système clientéliste au sein de la mairie de Marseille, en remontant jusqu’à l’époque Defferre. »

Après France 3 Méditerranée le 7 mai dernier, Public Sénat diffusera Cogolin, ville à vendre le 21 juillet 2018 à 23h30.